La Méthode Prophétique pour l’Invocation (dou’a)
BismiLlâhi ar-Rahmani ar-Rahim,
Ce qui va suivre constitue d’après nos shuyukhs l’une des dix choses les plus importantes qu’une personne puisse apprendre dans sa vie : La méthodologie correcte pour invoquer Allâh. C’est pourquoi nous invitons chacun à bien lire l’article et à retenir les points importants inshaa Allâh.
Lorsque l’on interroge les Musulmans sur la manière dont ils invoquent Allâh – subhanahu wa ta’ala -, on se rend compte que la très grande majorité ne sait pas comment effectuer correctement une invocation. C’est pourtant un acte d’adoration que nous faisons plusieurs fois par jour. Si le dou’a est réalisé de manière incorrecte ou incomplète, alors forcément, nous ne récoltons pas les bénéfices de nos invocations et cela entraîne des frustrations.
Introduction :
Selon le Prophète Muhammad ﷺ, le dou’a est pourtant l’outil le plus puissant que puisse utiliser le Musulman. Il est rapporté qu’il a dit : « L’invocation est l’arme du croyant et la colonne de la religion et la lumière des cieux et de la terre ». [1] L’invocation, si elle est bien réalisée est la clef qui ouvre toutes les portes et qui peut changer complètement le destin d’une personne. Lorsque nous avons un souci, c’est à Allâh en premier que nous devrions penser et auprès de qui nous devrions chercher assistance. Mais que faisons-nous ? Nous appelons d’autres créatures et si on dernier recours personne ne peut nous aider, nous tentons de demander à Allâh en nous disant : « peut-être que ça marchera… » AstarghfiruLlâh al-‘Adhim, quelle mauvaise compréhension et quel mauvais comportement nous avons.
L’invocation constitue un acte d’adoration qu’Allâh apprécie tout particulièrement, comme dans ce Hadith dans lequel il est rapporté que le Prophète ﷺ a dit : « Rien n’est aussi noble pour Allâh que l’invocation ». [2] D’ailleurs dans la pratique, il est rapporté du Messager d’Allâh ﷺ qu’il était à tout moment en état d’invocation : En entrant dans sa maison, en sortant de sa maison, en voyant une nouvelle lune, lorsque le vent soufflait, lorsque l’orage arrivait, lorsque la pluie tombait, lorsque la pluie ne venait pas, avant de manger, après manger, en buvant de l’eau, après avoir bu de l’eau, lors de la maladie, lorsqu’il allait mieux, lorsqu’il marchait, etc. Chaque moment est propice à l’invocation et c’est une habitude que nous devrions développer également, à l’image du Prophète Muhammad ﷺ.
C’est à ce point important qu’il est rapporté dans un Hadith que le Prophète ﷺ a dit : « Celui qui ne demande pas à Allâh Ta’ala, Allâh Ta’ala n’est pas satisfait de lui ». [3] La règle générale chez l’être humain, c’est que plus on lui demande, moins il est content. Tandis que pour Allâh, c’est le contraire, plus on lui demande, plus il est satisfait de nous.
On peut aussi évoquer le Hadith dans lequel le Messager d’Allâh ﷺ a dit : « L’invocation est l’essence (le cœur) de l’adoration » [4] En effet, lorsqu’un croyant invoque Allâh, il se connecte directement à son Créateur et c’est bien là le cœur de l’adoration.
Allâh nous invite à nous adresser à Lui, comme dans ce Hadith : « Si tu demandes, demande à Allâh et si tu cherches de l’aide, cherche-la auprès d’Allâh ». [5] Non pas qu’il soit interdit de demander de l’aide parmi les créatures, mais celles-ci sont limitées, tandis que la meilleure des aides est indéniablement celle qui vient d’Allâh qui n’a pas de limites.
Malgré cela, nous utilisons peu ou mal cette arme puissante. Pourquoi ? La raison est claire : nous constatons que ça ne marche pas ; sans même nous rendre compte que cet échec est dû à notre (mauvaise) manière de procéder.
Parmi les erreurs commises, le fait d’aller chercher la science dans les livres et non chez les savants, les Mashaykhs et Awliyas vivants et reconnus de notre communauté. Beaucoup de Musulmans basent aujourd’hui leur pratique sur le Hadith, pensant ainsi bien faire. Mais un Hadith ce n’est pas la Sunnah. Il existe beaucoup de Ahadith que les savants ne prennent pas en compte, quand bien même ils seraient bons dans leur chaîne de transmission. Quant à la personne qui ne sait pas faire le tri, elle mettra en pratique ce qu’elle a lu, selon sa propre compréhension, en pensant bien agir. Mais la Sunnah, c’est ce qui est vivant et mis en pratique par les savants, les Mashaykhs et Awliyas et non une somme de paroles rapportées et classifiées dans les livres. C’est un point essentiel qu’il convient de garder à l’esprit.
Lorsqu’on invoque, il faut mobiliser à la fois sa langue, son esprit, son cœur et son âme. En d’autres termes, cela demande un engagement tant extérieur (langue, placement corporel…), qu’intérieur (humilité, concentration, présence d’esprit et du cœur…). Sans quoi l’invocation est juste une coquille vide dénuée de sens. Le principe est « Si tu n’es pas connecté, tu n’es pas accepté ».
L’aspect corporel :
Selon la Sunnah, il existe cinq méthodes pour invoquer Allâh :
1/ Il s’agit de la méthode la plus courante. On lève ses mains au niveau de la poitrine et du cœur, paumes vers le ciel, les mains droites, à plat, on laisse une légère distance entre chaque doigt, entre les deux mains, entre les mains et la poitrine et entre les coudes et le corps. C’est la position naturelle de la personne qui est en nécessité, comme le mendiant et qui demande de l’aide.
Ainsi, il n’est pas correct d’invoquer en se tenant les deux mains, en les collant, en les plaçant sur ses genoux, ou en écartant les bras à droite et à gauche, etc. Cela constitue une bi’daa (innovation) car cela va dans le sens contraire de la Sunnah rapportée du Messager d’Allâh ﷺ qui nous a montré la bonne manière de faire qui doit refléter l’humilité et la nécessité et non l’arrogance ou l’insouciance. Ainsi, il est rapporté de ‘AbduLlâh ibn ‘Umar رضى الله عنه qu’il a dit que lever ses mains au-dessus ou en dessous de la poitrine pour invoquer constitue une innovation.
Lors du dou’a, la tête doit être penchée vers le bas, reflétant l’humilité. Il n’est pas correct de la laisser droite ou de regarder en l’air ou pire de regarder à droite et à gauche ce qui montre le peu d’intérêt que l’on porte à l’invocation que l’on est en train de faire ou d’écouter.
2/ En certaines occasions, comme lors de la bataille de Badr, il a été rapporté du Prophète parfait ﷺ qu’il invoquait en levant ses bras vers le ciel. Les Compagnons ont dit qu’ils pouvaient alors voir la blancheur de ses aisselles. Ils ont aussi rapporté que de la lumière et un agréable parfum en sortaient à cet instant-là.
3/ Il existe aussi une 3ème méthode qui consiste à invoquer avec les paumes des mains tournées vers le sol, mais cela est spécifique à la demande pour faire tomber la pluie (Istisqa’), tel que cela est rapporté dans le célèbre recueil de Ahadith authentiques de l’Imam Muslim, rapporté que Anas Ibnu Malik رضى الله عنه qui a dit : « Le Prophète ﷺ a invoqué Allâh pour demander la pluie et il a dirigé le dos de ses mains vers le ciel. »
4/ Le Prophète faisait aussi des invocations sans lever ses mains. C’est le cas pour les invocations que l’on effectue quotidiennement comme celles que l’on fait avant de manger, en sortant de chez soi, en entrant aux toilettes, etc. Dans ces cas-là, il n’est pas nécessaire de lever ses mains. Après la prière, il arrivait fréquemment que le Prophète ﷺ invoque Allâh sans lever ses mains. Une fois la salat terminée, certains font du Dhikr, ou font dou’a, dans des mosquées certains chantent des Qassidas… mais lorsqu’il avait terminé sa prière, le Prophète ﷺ faisait ainsi :
Il disait une fois « Allâhu Akbaar », puis, il disait trois fois « AstaghfiruLlâh ». Puis il récitait : « Lâ ilâha illâ l-lâhu, wahdahu lâ sharîka lah, lahu-l-mulku wa lahu-l-hamdu wa huwa ‘alâ kulli shay’in qadîr. Allâhumma lâ mâni‘a limâ a‘tayta wa lâ mu‘tiya limâ mana‘ta wa lâ yanfa‘u dhâ-l-jaddi minka-l-jaddu. », ce qui signifie : « Il n’y a d’autre divinité qu’Allah, Unique, sans associé. A Lui la royauté, à Lui la louange et Il est capable de toute chose. Ô Seigneur ! Nul ne peut retenir ce que Tu as donné et nul ne peut donner ce que Tu as retenu. Le fortuné ne trouve dans sa fortune aucune protection efficace contre Toi. »
Si la plupart d’entre nous se contentons de réciter « Lâ ilâha illâ l-lâh » en fin de prière, c’est parce que nous avons pris cette habitude en raison de la facilité de réciter ce dhikr simple qui n’est en fait que le début de celui que récitait le Messager d’Allâh et qui demande plus d’efforts pour être mémorisé.
Il est aussi rapporté par Boukhari dans son Sahih, qu’en fin de prière le Prophète et les Compagnons faisaient du Dhikr en groupe, à voix haute si fort que tous les gens au alentours savaient alors que la prière était finie. [6] Ceux qui prétendent suivre le Salaf, devraient prendre note de cette tradition et s’en inspirer, alors même que leur imam Ibn Taymiyyah رحمه الله a encouragé cette pratique.
5/ Le dou’a peut aussi s’effectuer lors de la prosternation (as-Sujud) car c’est un moment privilégié pour invoquer.
L’aspect Spirituel :
Pour qu’une arme soit efficace, quelle qu’elle soit, il faut cinq éléments :
1/ l’arme doit être parfaite (elle doit fonctionner)
Ainsi, les invocations les plus parfaites sont celles qu’Allâh a enseignées à Son Messager ﷺ
2/ la personne qui utilise l’arme doit avoir la force de s’en servir. Si mon bras n’a pas de force, même la meilleure arme du monde ne me sera d’aucune utilité.
Ainsi, celui qui dit : « oh, mon dou’a ne sera jamais accepté », ou « oh, il ne se passe rien… » a peu de chance de voir son invocation acceptée, car pour que cela fonctionne, il faut avoir la conviction et la certitude (Al-Yaqin) que Allâh exaucera. Al-Yaqin, c’est la force du muscle permettant d’utiliser l’arme qu’est le dou’a. Sans force, l’arme ne vous sera d’aucune aide.
3/ il faut savoir comment utiliser l’arme. Si on ne sait pas où mettre la balle, où se trouve le barillet, ou comment dégainer l’épée, ça ne fonctionnera pas.
Ainsi, il faut savoir comment effectuer correctement une invocation (dou’a).
4/ de même, il faut aussi savoir à quel moment il est utile d’utiliser cette arme. Si l’ennemi est chez lui au chaud, loin, et que la personne se met à tirer toutes ses flèches n’importe où, dans n’importe quelle direction. Que va-t-il se passer ? En tout cas, il est peu probable que cette personne atteigne son objectif.
De la même manière, Rassoul Allâh ﷺ a mentionné le fait que certains moments sont meilleurs que d’autres pour effectuer des invocations (Durant le temps de Tahajjud, après l’Adhan, en prosternation, etc…). [7]
5/ enfin, il ne faut pas qu’il y ait un obstacle empêchant d’atteindre la cible. Si la flèche est tirée dans un mur en béton, elle se brisera et ne servira donc à rien.
Le Prophète Muhammad ﷺ a mentionné certaines choses susceptibles de stopper net le bénéfice des invocations (si on commet de l’injustice envers des gens, qu’on confisque leurs droits, si on mange ce qui est illicite, que notre argent a été acquis de manière illégale, qu’on porte des habits volés ou achetés avec de l’argent haram, etc.). Pensez-vous vraiment qu’Allâh nous donnera quoi que ce soit de ce que nous demandons alors qu’on comment une injustice ou une oppression envers une de Ses créatures ? Pour quelle raison le ferait-Il ? Pour que nous puissions être encore plus injustes ?
Allâh a interdit l’injustice entre ses serviteurs. Il dit dans un Hadith Qudssi : « Ô mes serviteurs, Je Me suis interdit l’injustice à Moi-même et Je l’ai rendu interdite entre vous. Ne soyez donc pas injustes ». [8]
A l’inverse, le Prophète Muhammad ﷺ nous a avertis que les invocations de l’opprimé sont acceptées ! Il est rapporté qu’il a dit : « …Et crains l’invocation de l’opprimé, car il n’y a pas de voile entre elle et Allâh .» [9]
Donc, pour que l’invocation soit exaucée, il faut veiller à ce qu’aucun de ses murs ne vienne faire obstacle.
Aussi, il ne faut pas demander ce qui est considéré comme un péché, comme celui qui voudrait invoquer pour réussir à voler telle chose dans une bijouterie ou à trouver de l’alcool pour en consommer, etc. On ne demandera pas non plus à couper les liens, ou à ce qu’Allâh cause du tort à telle ou telle personne. On entend parfois des gens dirent : « Puisque c’est comme ça, je vais invoquer Allâh contre toi ! », ou la grande mode parmi certains de nos frères qui est de dire « Qu’Allâh te brise le dos ! »… Il ne faut pas avoir peur de ce type de dou’as. L’invocation ne part pas de la bouche de la personne pour aller directement sur celui qui est visé. Le dou’a va d’abord à Allâh qui choisi ce qui est digne d’être accepté et ce qui est rejeté.
Comment faire pour que nos invocations (dou’as) soient exaucées ?
Il y a plusieurs points importants à prendre en compte si on souhaite voir son dou’a accepté. Il convient en tout premier lieu de comprendre que le dou’a doit mobilier 5 éléments :
– la langue (qui demande verbalement)
– l’intellect (qui créé une image mentale de la demande)
– le cœur (qui a conscience de notre entière dépendance vis-à-vis d’Allâh)
– l’âme/rouh (qui est conscient de la présence d’Allâh, qu’Il nous voit, nous entend, qu’Il est avec nous)
– le nafs (qui naturellement désire que la demande soit exaucée rapidement et qui ici doit faire preuve de patience et s’en remettre en Allâh pour l’exaucement – at-Tawakkul)
Partant de là, pour qu’un dou’a soit correctement effectué, il faut :
1/ « Al-Hudur ma’ Allâh » (être en présence d’Allâh). Lorsque le dou’a est effectué, il faut mentalement être en présence d’Allâh – subhanu wa Ta’ala -. Il faut spirituellement se connecter à Allâh, en pensant qu’Allâh nous voit, qu’Il nous entend, qu’Il est en notre présence. C’est la même chose avec notre mobile. Si le mobile n’est pas connecté au réseau, avec qui parle-t-on ? On parle dans le vide. Il faut se rappeler à qui on parle : Allâh ! Il faut se rappeler qu’Allâh nous aime, qu’il souhaite le meilleur pour nous, qu’Il est celui qui pourvoit, qu’Il connait nos situations, etc. Il faut donc en tout premier se préparer en se connectant spirituellement à Allâh.
Cela a été confirmé par le Prophète Muhammad ﷺ qui a dit : « […] sachez qu’Allâh n’exauce pas l’invocation provenant d’un cœur distrait » [10]
2/ Une fois que la personne est mentalement préparée, elle se mettre en état de Hamd, elle doit louer Allâh. C’est la raison pour laquelle beaucoup de dou’as commencent par « Al-HamduliLlâh ». Que signifie louer ? Il y a une différence entre « hamd » (louer) et « shukr » (remercier). Hamd, signifie louer Allâh pour qui Il est, pour Ses Attributs, etc… Tandis que Shukr, c’est le fait de remercier Allâh pour ce qu’Il nous a donné.
Certains d’entre nous disent qu’ils aiment Allâh, mais en réalité ils ne L’aiment que pour eux-mêmes (Ô Allâh donne-moi ceci, Ô Allâh accorde-moi cela…). Où sont ceux qui L’aiment réellement pour qui Il est, pour Ses magnifiques Attributs, pour Sa Seigneurie, pour Sa Majesté ? Qu’Allâh nous compte parmi ces gens.
Allâh est exempt des similarités avec Sa création, mais donnons un exemple pour illustrer le propos.
Imaginons que vous soyez un père de famille qui a trois fils. L’un vous masse un pied, car il espère récupérer quelques-unes de vos propriétés, le deuxième vous masse l’autre pied, car il vous craint et qu’il a peur de la punition et qu’il a peur que vous ne le priviez de son argent de poche, quant au dernier, il vous masse le dos, il se met à votre service, juste parce qu’il vous aime, car vous êtes son père. D’après vous, lequel de ces trois fils est le meilleur ?
Il y a un grand danger à adorer et aimer Allâh pour ce qu’Il nous donne, car quand ces bénédictions s’en vont, notre relation avec Allâh s’en va avec. Celui qui aime son père en espérant ses biens en retour (argent de poche, voiture, héritage…), il est une sorte de « commerçant », qui donne en espérant recevoir quelque chose en retour. Il fait du business. Celui qui aime son père juste par crainte de la punition ou d’être privé est comme un esclave. Il n’aime pas ce qu’il fait, mais il le fait quand même, par contrainte, comme un esclave. Mais le troisième, il se met au service de son père juste par amour pour lui !
La même chose peut s’appliquer aux croyants dans leur relation avec Allâh (Ô Allâh donne-moi ceci, Ô Allâh, donne moi ça – une maison, un mari, des enfants, un bon travail, une promotion, le Paradis….) et tant qu’Allâh nous donne nous sommes obéissants. Mais dès qu’Allâh stoppe les bénédictions, nous arrêtons de prier, on se dit que de toute façon Allâh ne nous écoute pas, etc. Celui qui agit ainsi est un commerçant, pas un véritable adorateur d’Allâh. Celui qui est dans la deuxième situation, agissant par crainte d’Allâh, bien sûr que c’est une bonne chose de craindre Son Châtiment, mais ce n’est pas le niveau de Foi (ou de Taqwa) le plus élevé. Le niveau le plus élevé, c’est d’adorer Allâh par amour, de l’adorer pour qui Il est, pour Ses magnifiques Attributs, parce qu’Il est notre Seigneur, Il est notre Dieu (iLlâh).
Par conséquent, lorsqu’on dit : « Al-HamduliLlâh », cela signifie qu’on loue Allâh, dans la recherche de l’agrément d’Allâh et non dans l’espoir d’obtenir quelque chose (profit). On adore Allâh en cherchant Allâh et non en cherchant un profit. On adore Allâh pour Allâh et non pour soi-même. La différence entre les deux est immense.
Bien entendu, il est tout a fait possible de demander (dou’a) des choses de ce bas monde, ce qui concerne le Deen, comme la science ou le Paradis, etc. mais on adore pas Allâh dans ce but. Si on agit ainsi, alors l’invocation en elle-même est une adoration profitable. Il y a une différence entre 1/ adorer Allâh uniquement pour obtenir ce dont on a envie, car finalement on adore que par intérêt et 2/ adorer Allâh et utiliser le dou’a pour nos besoins.
C’est une question de sincérité. Allâh dit dans le Qour’an : « Pourtant, que leur a-t-on ordonné, si ce n’est de se vouer exclusivement au culte d’Allâh » ? [11]
Donc, sans animosité dans le cœur, il faut louer Allâh, pour qui Il est non pour dans l’intention d’en tirer un bénéfice quelconque. Sinon, c’est soi-même qu’on aime et non Allâh. Le pire des faux dieux qui est adoré est le nafs (l’ego – soi-même, nos désirs).
3/ Il faut remercier Allâh pour ce qu’Il nous a donné (Shukr – gratitude). Il faut se remémorer les innombrables bienfaits qu’Allâh nous a donnés et le remercier abondamment pour tout cela. C’est un état du cœur qui se manifeste par la langue.
Allâh dit dans le Qour’an : « Votre Seigneur ne vous a-t-Il pas prévenus, en disant : “J’augmenterai Ma grâce, si vous êtes reconnaissants » [12] Imaginez ce concept puissant qu’Allâh nous offre en nous proposant la multiplication de Ses grâces si on est reconnaissants. Il nous donne, on Le remercie et Il nous donne encore plus !
Celui qui remercie Allâh doit le faire avec sincérité, comme le ferait un homme envers un autre homme qui l’aurait sauvé de la noyade. Imaginez l’état du cœur de celui qui a été sauvé, imaginez sa joie, sa gratitude. C’est cet état que nous devrions avoir envers Allâh qui nous a envoyé un homme ﷺ qui nous a sauvés de bien pire que la noyade. C’est cela la gratitude.
Pour le commun des Musulmans, il convient également de demander pardon à Allâh pour nos péchés. Cela peut par exemple se faire en disant : « Lâ ilâha illâ anta, subhânaka, innî kuntu mina z-zâlimîn » [13], ce qui signifie : « Pas de divinité à part Toi ! Pureté à Toi ! J’étais vraiment du nombre des injustes. »
4/ Il faut ensuite remercier Allâh pour le plus grand des bienfaits qu’Il nous ait accordés, à savoir le Prophète Muhammad ﷺ qui a été envoyé comme Miséricorde pour l’Univers. [14]
Il est rapporté du Prophète Muhammad ﷺ qu’il a dit : « Lorsque l’un d’entre vous prie, qu’il commence par louer Allâh et faire les éloges d’Allâh puis qu’il prie sur le Prophète (ﷺ) puis après cela, qu’il invoque par ce qu’il veut. » [15]
C’est la raison pour laquelle il est recommandé (avec présence d’esprit) de dire des salutations (Salawats – Durood Shareef) sur le Messager d’Allâh ﷺ avant de commencer une invocation. C’est cela le sens des Durood/Salawat : montrer notre gratitude envers Allâh pour nous avoir bénis par l’envoi de Son bien-aimé Prophète ﷺ. Ainsi, si Allâh peut nous octroyer un tel bienfait, pourquoi ne pourrait-Il pas nous donner autre chose dont le statut sera forcément inférieur ? Qu’est-ce que la duniya comparée au Prophète Muhammad ﷺ? Qu’est-ce que l’argent comparé au Prophète Muhammad ﷺ? Qu’est-ce que les enfants comparés au Prophète Muhammad ﷺ? Rien ni personne n’a un statut supérieur auprès d’Allâh que Son Messager ﷺ.
5/ Il faut maintenant se concentrer sur les Attributs d’Allâh qui sont en relation avec notre besoin. Exemple : J’ai besoin que mon commerce fonctionne mieux? Alors, je dois par exemple me concentrer sur l’Attribut d’Allâh qui est « Razzâq », car Allâh est Ar-Razzâq, c’est-à-dire Celui qui accorde la subsistance à toutes les créatures. Je souhaite avoir des enfants? Je dois me concentrer sur l’Attribut de « Wahhâb », car Allâh est Al-Wahhâb, c’est-à-dire celui qui accorde avec profusion et récompense ceux qui ont obéi, comme grâce de Sa part. Je souhaite qu’Allâh me pardonne ? Alors, je dois me concentrer sur l’Attribut de « Ghaffar », car Allâh est Al-Ghaffâr, c’est-à-dire celui qui pardonne les péchés. Il est également Al-Ghaffôur, c’est-à-dire celui qui pardonne beaucoup (encore et encore). Pour cela, il faut apprendre les Noms et Attributs d‘Allâh afin de pouvoir aller chercher le nom ou l’Attribut qui corresponde à ce dont à besoin. On se rappellera qu’Allâh est Al-Kârim, c’est-à-dire celui qui est généreux et qui accorde beaucoup de bienfaits, même à ceux qui ne le méritent pas, qu’Il est Al-Fattâh, c’est-à-dire celui qui facilite à Ses créatures, qu’Il est aussi Ash-Shâfih, c’est-à-dire celui qui guérit. Etc…
6/ Le moment est venu de présenter à Allâh ce dont on a besoin. Allâh sait ce que nous désirons, mais Il veut et Il aime que nous l’exprimions, et il y a un bénéfice pour nous en agissant ainsi. Il faut l’exprimer avec le cœur, avec les mots et avec l’esprit. Concernant l’esprit, cela signifie imaginer ce qu’on demande. Il s’agit de construire mentalement notre demande. Si cela porte sur son magasin qui est en difficulté, on peut imaginer que le magasin est devenu plus grand, qu’il est rempli de clients, que les bénéfices arrivent, etc. Si on a un problème de santé, on s’imagine en bonne santé, avec le souci réglé. Si on est en quête de spiritualité, on sait qu’on a du mal à prier ou à faire du Dhikr ou à progresser dans notre Religion, alors on s’imaginera priant nos prières à l’heure avec assiduité, faisant du dhikr, devenant une personne pieuse, se revêtant de la Sunnah du Messager d’Allâh autant intérieurement qu’extérieurement et dites à Allâh : « Ya Allâh, je veux devenir une personne qui ressemble à Ton Messager ». Il faut ensuite venir avec humilité de dire à Allâh que sommes des créatures limitées, que nous n’avons que la possibilité d’imaginer, tandis que Lui, avec Son infini Pouvoir (Qoudrah), peut transformer ce besoin en réalité sans la moindre difficulté. Il suffit qu’Il dise « Kun Faya Kun » (Soit !) et c’est réglé. [16]
S’il est autorisé de demander des choses relatives à la Duniya (ce bas monde), il est encore mieux de demander ce qui est en rapport à la religion et qui est susceptible de nous rapprocher davantage d’Allâh. Il faut bien entendu joindre la posture qui est Sunnah. Que dire de celui qui fait une invocation avec les mains dans une direction, la tête dans une autre, le cœur distrait par autre chose, etc ? Qui va écouter une telle invocation ? Il y a des gens qui ne veulent même pas lever leurs mains pour invoquer Allâh, alors que cette pratique est clairement mentionnée dans les Hadiths ! Les mains parfois levées au niveau de la poitrine, comme le mendiant qui attend qu’on lui donne quelque chose dans ses mains ; et d’autres fois les bras levés vers le ciel au point où l’on peut voir les aisselles [17]. Certains prennent à peine soin de lever leurs mains ou écartent les bras n’importe comment, etc. Est-ce là l’attitude d’un mendiant ? Est-ce là l’attitude de celui qui est clairement dans le besoin ? Regardez ce qui est rapporté dans les Ahadiths et agissez en conséquence, car la façon de faire du Messager d’Allâh ﷺ est la meilleure manière de procéder.
Il ne faut pas hésiter à demander à Allâh, jusqu’à ce qu’Il exauce. Ensuite, nous pourrons effectuer d’autres demandes.
7/ Donner, c’est recevoir. En effet, lorsque nous effectuons des invocations, Allâh aime que nous demandions pour autrui. Cela signifie qu’on étend nos demandes à l’Humanité et au reste de Ses créatures. Par exemple, nous pouvons demander à Allâh qu’Il bénisse tous les êtres humains, qu’Il guide les non-Musulmans par la lumière de l’Islam, qu’Il augmente leur subsistance, etc. Il faut ouvrir son cœur et devenir généreux.
Abou Ad-Dardâ’ رضى الله عنه rapporte que le Prophète ﷺ a dit : « Allâh exauce toujours l’invocation que fait le Musulman en faveur de son frère en son absence. Près de sa tête, il y a un Ange, chaque fois qu’il invoque Allâh pour le bien de l’absent, l’Ange, dont il a la charge, dit : âmîne et tu en as l’équivalent. » [18] Par conséquent, si vous souhaitez que des anges fassent le dou’a pour vous, invoquez pour autrui et en retour, ils invoqueront pour vous.
8/ La personne doit de nouveau se rappeler et mentionner que si Allâh nous a bénis par la venue du Messager d’Allâh ﷺ qui est la meilleure des créatures et la plus grande des bénédictions parmi toutes les bénédictions, alors Il peut sans aucun doute nous accorder toute autre chose d’inférieur. Il est ainsi recommandé de réciter à nouveau des salutations (Salawats – Durood Shareef) sur le Messager d’Allâh ﷺ.
Il est rapporté de Saydinna `Umar ibn Al-Khattâb رضى الله عنه qu’il a dit : « L’invocation reste suspendue entre ciel et terre jusqu’à ce que tu invoques Allâh pour ton Prophète Muhammad ﷺ et que tu lui adresses tes salutations » [19]
9/ At-Tawakkul – Il faut maintenant laisser l’affaire entre à Allâh – subhanu wa Ta’ala -. Par exemple : « Ô Allâh, je t’ai confié ce dont j’ai besoin, mais Tu sais mieux ce qui est profitable pour moi, fais ce qui Te plait me concernant ».
De même, il est rapporté que le Messager d’Allâh ﷺ a déclaré : « Invoquez Allâh tout en étant sûrs d’obtenir l’exaucement […] » [20]
Ensuite, il y a cinq manières dont le dou’a peut être exaucé :
– Oui, voici ce que tu as demandé (la personne reçoit ce qu’elle a demandé)
– Oui, mais pas maintenant (la personne va recevoir ce qu’elle a demandé, mais ce n’est pas encore le moment. Tout comme le fruit, il faut attendre que le dou’a soit mur et alors il tombera de lui-même et nous pourrons en bénéficier)
– Oui, à la place Je te donnerai quelque chose d’encore meilleur
– Oui, à la place Je vais te retirer une énorme calamité qui allait te toucher
– Oui, mais tu en auras davantage besoin dans l’au-delà qu’ici-bas (par ex. durant l’attente lors du Jugement dernier)
10/ Dans la duniya, faire maintenant son possible pour montrer à Allâh qu’on fait tout ce qui est en notre capacité, à notre niveau, pour que ce que nous avons demandé se réalise. Par exemple, si cela concerne notre magasin, on va redoubler d’efforts pour l’embellir, pour mieux servir les clients, proposer des produits de qualité, etc. Si cela concerne la santé, nous irons consulter des médecins, etc. Cela pour montrer à Allâh qu’à notre faible niveau de créatures nous faisons tout ce qui est entre notre pouvoir, mais qu’au-delà, seul Lui est capable de nous aider.
Saydinna Abû Hurayra رضى الله عنه rapporte que le Prophète ﷺ a dit : « Allâh -exalté soit-Il- dit : Je suis tel que Mon serviteur M’estime… » [20] Donc, si le Musulman pense que Allâh va lui donner, Allâh lui donnera.
En résumé :
1/ Etre en présence d’Allâh
2/ Louer Allâh pour qui Il est
3/ Remercier Allâh pour Ses bénédictions (et lui demander pardon pour nos péchés)
4/ Remercier Allâh pour le Prophète Muhammad (Durood/Salawats) ﷺ
5/ Penser à l’Attribut qui correspond à notre besoin
6/ Présenter à Allâh notre besoin
7/ Demander pour autrui
8/ Remercier à nouveau Allâh pour le Prophète Muhammad (Durood/Salawats) ﷺ
9/ Etre confiant et laisser l’affaire à Allâh
10/ A notre niveau, faire notre possible pour que cela se réalise
Ps : Ceux qui le désirent peuvent aussi donner une sadaqa après l’invocation. Cela renforce les chances d’être exaucés, car Allâh aime que l’on vienne en aide à ceux qui sont dans le besoin. En retour, Allâh exauce et nous accorde ce dont nous avons besoin.
Qu’Allâh nous facilite cette adoration et accepte nos invocations, car Il est au dessus de tout ce que nous pouvons imaginer en terme de bonté. Il est Le Généreux (Al-Karîm), Le Pourvoyeur (Ar-Razzâq) qui octroie et exauce sans peine tandis que nous sommes des êtres faibles, en nécessité et dans la dépendance absolue vis-à-vis de Lui – Exalté soit-Il -. ameen
Wa Allâhu a’alam
Notes :
Réf principale : Mawlana Sheykh Ahmad Dabbagh حفظه الله
[1] Al-Hâkim dans son sahîh, d’après Saydinna ‘Ali ibn Abî Tâlib رضى الله عنه
[2] Rapporté et authentifié par at-Tirmidhi dans ses Sounan, n°3370
[3] At-Tirmidhi dans ses Sounan n°3373, Ibn Maja dans ses Sounan n°3827 et Ahmad
[4] At-Tirmidhi et Ahmad
[5] At-Tirmidhi et Ahmad
[6] Les Shaykhān [Bukhārī & Muslim] rapportent que Ibn ‘Abbās رضى الله عنه a dit : « Effectivement, à l’époque du Prophète les gens prononçaient le Dhikr à voix haute au sortir de la prière. » Ibn ‘Abbās rajoute : « Je pouvais savoir quand ils avaient terminé leur prière, car je pouvais alors les entendre faire le Dhikr. »
[7] Parmi les meilleurs moments pour effectuer des invocations : durant le temps de Tahajjud, après l’Adhan, après l’Iqâma, pendant le Sujud, après la Salat…
Parmi les actions qui renforcent le dou’a, on peut aussi citer : avoir son Wudhu, faire face à la Qibla…
[8] Rapporté par Muslim
[9] Rapporté par Boukhari, Muslim et d’autres
[10] At-Tirmidhi
[11] Qour’an, 98/5
[12] Qour’an, 14/7
[13] Qour’an, 21/87
[14] Qour’an, 21/107 « Ô Muhammad ! Nous ne t’avons envoyé que comme miséricorde pour l’Univers. »
[15] At-Tirmidhi dans Jami, chapitre sur az-Zuhd
[16] Cette duniya étant un lieu de test, Allâh décidera ce qui est préférable pour nous et Il peut par exemple décider de ne pas guérir une personne, selon Sa Science et Sa Connaissance et nous devons placer notre confiance en Son choix quel qu’il soit.
[17] Car le ciel est la direction (Qibla) des invocations.
[18] Muslim
[19] At-Tirmidhi
[20] At-Tirmidhi, n°3479
[21] Rapporté par Al-Bukhârî, n°2224
En complément, vous pouvez également lire l’article : Des règles de bienséance à observer lors d’une invocation (An-Nawawî)