Réciter la sourate Yâ-Sîn pour les morts?
Par Sheykh Amjad Rasheed [1]
Question :
Quel est le statut de la récitation de la sourate Yâ-Sîn pour une personne décédée? Certaines personnes disent que cela ne se fait pas, car cette pratique est basée sur des hadiths dits fabriqués.
Réponse :
Au nom d’Allâh, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux [2]
Nos imams [3] ainsi que d’autres [4] ont dit que la récitation du Qour’an est recommandée lors de la mort de quelqu’un, notamment la récitation de la sourate Yâ-Sîn. La majorité des savants d’Ahl al-Sunna sont d’accord pour dire que la récitation du Qour’an lorsqu’une personne décède lui est profitable, qu’il s’agisse de la (récitation de la) sourate Yâ-Sîn ou qu’il s’agisse d’une autre, en raison de toutes les bénédictions et bienfaits contenus. En réalité, la récitation de la sourate Yâ-Sîn a été spécifiquement ordonnée, comme en témoigne ce hadith : « Lisez Yâ-Sîn pour vos morts. » [5]
Daraqutni et Ibn Qattan ont classé ce hadith, comme étant faible. Mais Abu Dawud a également rapporté ce hadith et ne l’a pas jugé faible : sa règle étant que tout ce qu’il rapporte et ne considère pas comme faible est de fait bien authentifié. Ibn Hibban a aussi rigoureusement authentifié ce hadith. Al-Hafiz Suyuti l’a aussi jugé comme bien authentique dans son al-Jami al-Saghir.
Lorsqu’il a examiné ce hadith dans al-Talkhis al-Habir, Al-Hafiz Ibn Hadjar a mentionné que l’imam Ahmad (qu’Allâh lui fasse miséricorde) a dit dans son Musnad que Abul-Mughira nous a informés que Safwan nous a informés que les savants disaient : « Si elle, en parlant de la sourate Yâ-Sîn, est lue pour le mourant, elle apportera de la lumière à sa mort. »
Ceci prouve que la récitation de la sourate Yâ-Sîn pour les morts était une pratique bien connue parmi les Salaf (pieux prédécesseurs), vu ce qui nous a été transmis par l’Imam Ahmad ; et la transmission de l’Imam nous suffit (comme preuve). Cela prouve également que l’Imam Ahmad approuvait ce hadith et agissait selon celui-ci, car il l’a transmis des savants et ne l’a pas rejeté. S’il ne l’avait pas approuvé, il l’aurait dit et ne serait pas resté silencieux à ce sujet. Et cela sera souligné par la suite.
Après avoir transmis ce que l’imam Ahmad a dit, al-Hafiz [Ibn Hajar] poursuit en disant que l’auteur d’al-Firdaus attribua ce hadith à une chaîne de transmission d’après Marwan ibn Salim, d’après Safwan ibn Amr, d’après Shuraih, d’après Abu Darda, d’après Abu Dharr, qui a dit : « Le Messager d’Allâh a dit : « Il n’y a pas une personne qui meurt et pour laquelle la sourate Yâ-Sîn est lue, sans que Allâh ne lui facilite ». » Abu al-Sheykh, dans son Fada’il al-Qour’an, a transmis une autre variante de ce hadith d’après Abu Dharr seul.
Ainsi, à la vue de tout cela, on peut dire que le hadith parlant de la lire Yâ-Sîn pour les morts a une base irréfutable, même s’il est faible; comme l’ont dit certains (savants) mentionnés précédemment, qui ont été, à leur tour, contredits par d’autres savants également mentionnés précédemment. De plus, un hadith faible peut être appliqué en matière d’actes méritoires, selon le consensus des savants. L’Imam an-Nawawi mentionne cela dans la préface d’Al-Adhkar. Et les savants ont agi selon ce hadith : parmi eux, l’imam Ahmad, comme cela a été rapporté par l’Imam des Hanbalites dans le fiqh, l’imam Ibn Qudama, dans son livre al-Mughni, qui est l’ouvrage de référence (chez les Hanbalites). Son texte mentionne que l’Imam Ahmad a dit : « Et ils récitent pour le mourant, de sorte qu’il sera soulagé par la récitation. Permettez que Yâ-Sîn soit récitée ». Enfin, il ordonna la récitation de la sourate Al-Fatiha.
J’ai dit : « Voyez comment l’Imam Ahmad a recommandé la récitation de la sourate Yâ-Sîn et a même rajouté à cela la récitation de la sourate Al-Fatiha, même si rien n’a été mentionné spécifiquement à propos de la récitation d’al-Fatiha pour les mourants. Toutefois, l’Imam Ahmad l’a recommandé et l’a ordonné: ceci est la preuve que ce sujet est vaste et qu’il ne peut être réfuté. Et cela est confirmé par ce qui a été transmis par l’Imam an-Nawawi : « Une partie des Tabi’in (première génération après les Sahaba) a recommandé de réciter la sourate al-Rad pour les mourants ».
Puis, Ibn Qudama a dit, et cela est rapporté par Faraj ibn Fadala, que Asad ibn Wada’ah a dit : « Quand Ghadif ibn Harith était mourant, ses frères vinrent à lui. Il leur dit : Y a-t-il quelqu’un parmi vous qui va lire la Sourate Yâ-Sîn? Un homme parmi les gens a dit : oui. Il répondit : Lisez et lisez lentement, et écoutez-le. Ainsi, il lut lentement et les gens l’écoutèrent, et quand celui-ci atteignit le verset « Gloire donc à Celui qui détient dans Sa main la souveraineté absolue sur toute chose ! C’est vers Lui que vous serez tous ramenés. » [6], son âme le quitta ». Asad ibn Wada’ah dit : « Quiconque d’entre vous est mourant et pour qui la mort est difficile, qu’il lise la sourate Yâ-Sîn, afin que (la difficulté de) la mort lui soit allégée ».
L’Imam an-Nawawi a dit dans son ouvrage al-Majmu : « Il est recommandé de lire la sourate Yâ-Sîn pour le mourant, comme cela a été dit par nos compagnons. Une partie des Tabi’ins a également recommandé la récitation de la sourate al-Ra’d ».
En conclusion, les Imams experts parmi les savants du hadith et de la jurisprudence sont d’accord pour dire que la récitation de la sourate Yâ-Sîn et d’autres sourates du Qour’an pour les mourants est recommandée. Celui qui rejette ceci est dans l’erreur et est ignorant de la voie des Salaf et des Imams qui sont pris en considération pour l’explication des Lois. Et Allâh guide vers ce qui est juste.
Tout ce qu’il me reste à souligner c’est que les savants ont divergé à propos du terme « mort » dans le hadith « Lisez Yâ-Sîn pour vos morts. ». Ibn Hibban a dit dans son Sahih : « la signification (de ce hadith) concerne celui qui est sur le point de mourir (celui qui agonise, le mourant), on ne la récite pas sur la personne déjà morte ». Mais al-Hafidh Ibn Hajar a mentionné dans al-Talkhis a-Habir que l’Imam al-Hafidh at-Tabari a réfuté cela, dans le sens où il a dit que la définition du mot « mort » dans ce hadith est évidente, et que cela concerne la personne qui a quitté la vie.
Notes :
[1] Sheykh Amjad Rasheed est un jeune savant Palestinien qui a étudié la Loi Sacrée (principalement le Fiqh Shafi’ite) pendant plusieurs années avec les meilleurs savants en Syrie, en Jordanie et à Hadramawt. Il a reçu de la part des savants auprès desquels il a étudié, de nombreuses ijazas lui permettant de transmettre ses connaissances. Récemment, il a obtenu son Doctorat en droit Islamique pour son travail sur Khulasat al-Mukhtasar de l’Imam al-Ghazali. Elève de Sheykh Nuh Keller, il vit actuellement à Amman et donne des cours publics de Fiqh Shafi’ite et d’autres sujets dans zawiya de Sheykh de Nuh.
[2] Traduit en anglais par Ustadha Zaynab Ansari, puis en français par nos soins
[3] De l’école Shafi’ite
[4] Les imams des autres écoles
[5] Rapporté par l’Imam Ahmad, Al-Nasa’i et Ibn Majah
[6] Qour’an, S36/v83
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