Qu’est-ce qui fait sortir une personne de l’Islam?
Sheykh Faraz A. Khan
Question :
Qu’est-ce qui fait sortir une personne de l’Islam? Généralement, il est stipulé « rejeter ce qui est connu par obligation », mais qu’est-ce que cela implique?
Réponse :
As-salamu alaikum warahmatullah,
Je prie pour que cette réponse vous trouve dans la meilleure condition possible.
Les limites générales de l’Islam
L’Imam Tahawi (radhia Allâhou ‘anhou) déclare dans son crédo bien connu, « Le serviteur ne sortira du cadre de la foi que par une répudiation de ce qui lui a permis d’y entrer. » c’est à dire, en reniant une croyance qui concerne les principes fondamentaux de la foi Islamique, comme (en reniant) Allah et Ses attributs (Son unicité, l’omnipotence, l’omniscience, etc.), Ses livres, Ses anges, Ses Prophètes et Messagers, le Jour du Jugement, ou la Loi Sacrée (Shariah).
En outre, parce que la vraie croyance implique respect et vénération, la mécréance peut également venir du blasphème, du dédain ou du mépris envers la religion ou envers les principes de la foi susmentionnés.
Enfin, nos savants mentionnent que la mécréance peut résulter de la négation ou du mépris pour tout ce qui est « nécessairement connu de la religion. »
Ce qui est nécessairement connu de la Religion
Cette catégorie de la foi – « nécessairement connu de la religion » – fait référence à certains aspects de la religion qui ont été transmis par l’histoire et acceptés par l’ensemble de la communauté, d’une manière telle qu’il est indéniable que ces aspects fassent partie de la religion. Les nier serait donc apparenté à rejeter le Messager lui-même (paix et bénédictions sur lui), car ces choses viennent sans aucun doute possible de lui.
En outre, ces aspects doivent être définitifs (qat`i) dans leur sens, de sorte qu’il n’y avait pas de divergence d’opinion parmi les juristes quant à ce que ces aspects impliquent.
Cette catégorie est une réalité historique absolue, et cela se présente par l’une des modalités suivantes :
(A) des chaînes de transmission multiples et incontestables (tawatur), ce qui signifie que les récits nous sont parvenus à travers tant de chaînes de transmission qu’il est impossible que ses transmetteurs aient conspiré pour les fabriquer. Cela s’applique à chaque verset du Coran, ainsi qu’à diverses Sunnah prophétiques ayant atteint ce statut.
(B) une pratique prophétique établie et normative qui est bien connue (Mashhur), acceptée par toutes les communautés de juristes Musulmans;
(C) le consensus définitif verbalisé (ijma’) de tous les Compagnons, nous ayant été également rapporté à travers d’incontestables et multiples chaînes de transmission.
Les exemples sont la prière rituelle (salat), l’aumône (zakat), le jeûne du mois de Ramadan (jeûne), et le pèlerinage (hajj); ainsi que leur statut obligatoire respectif. Renier ou mépriser l’un d’entre eux entraîne la mécréance.
En outre, le statut illicite de certains péchés rentre également dans cette catégorie. Par exemple, le meurtre (qatl), l’adultère (zina), et la consommation de vin (khamr) sont nécessairement connu comme étant interdits par la religion. Considérer de telles choses comme étant religieusement licites entraîne aussi la mécréance.
[Nahlawi, Al-Durar al-Mubaha fil Hazr wal Ibaha; Bajuri/Laqqani, Hashiyat Bajuri ala Jawharat al-Tawhid]
Le Takfir : Une Fitna de notre époque
Cela étant dit, il est absolument essentiel que les Musulmans sachent bien que l’application des critères mentionnés ci-dessus possède des cas particuliers, et la détermination visant à savoir si un Musulman a en effet commis de la mécréance est une fonction uniquement réservée aux juristes Musulmans qualifiés et très compétents, pas aux Musulmans du commun.
Une des plus grandes épreuves (fitan) de notre époque est cette facilité qu’ont certains Musulmans à considérer d’autres Musulmans comme mécréants (takfir). C’est une catastrophe, dont le mal se manifeste le plus clairement par le meurtre insensé de Musulmans innocents, tués par des extrémistes.
Comme l’affirme Sheykh Abdullah bin Bayyah dans sa fatwa sur le takfir : « La fitna du takfir est une fitna qui a rapporté à la communauté des dommages graves, car c’est une fitna aveugle, dont les causes sont encore obscures et dont les conséquences sont tout à fait dévastatrices. » [Fatwa Sheykh Bin Bayyah, Message d’Amman]
Notre bien-aimé Messager (bénédiction et salut sur lui) a dit : « Quiconque accuse un coreligionnaire de kufr, c’est comme si il l’a tué. » [Bukhari]
Ainsi que « Si un homme traite son frère de mécréant, alors l’un des deux aura mérité cette qualification. » [Bukhari, Muslim]
Ce hadith indique qu’il est catégoriquement interdit d’accuser son coreligionnaire de mécréance, car c’est de la diffamation et de la calomnie majeure. Allâh le Très Haut déclare : « Et ne vous donnez pas de sobriquets injurieux. Quel vilain caractère que la «perversion» qui s’allie mal avec la foi ! » (Coran, 49:11) De nombreux commentateurs ont dit que ce verset se réfère au fait d’accuser son coreligionnaire de mécréance (kafir) ou de « religieusement corrompu » (fasiq). [Ibn Abdul Barr, Istidhkar]
Le Prophète (paix et bénédictions sur lui) a également déclaré lors de son pèlerinage d’adieu : « Après ma mort, n’agissez pas comme (vous agissiez lorsque vous étiez) mécréants, certains d’entre vous frappant le cou des autres. » Il a fait cette déclaration après avoir dit aux Musulmans de garder le silence, ce qui indique que ce qui allait suivre était une sagesse intemporelle et d’une immense gravité. Et dans une autre narration, il commença par « Malheur à vous tous! » – En soulignant également la gravité de l’affaire.
[Bukhari, Muslim; Sharh Qadi Iyad]
En effet, c’est parce le takfir est une affaire extrêmement grave, que nos savants ont déclaré : « Se tromper en considérant mille mécréants comme étant croyants est meilleur que de se tromper en considérant un seul croyant comme étant mécréant. »
L’Imam al-Ghazali (rahimahou Llâh), un maître juriste, théologien et un saint de notre tradition, explique longuement que la plupart du temps le takfir se produit en raison du fanatisme et sans aucun fondement. Il résume l’affaire comme suit :
« Il est établi que le statut de protection et d’inviolabilité (`isma) du Musulman est certes dérivé de sa déclaration « La ilaha illa Allâh. » Cela, donc, ne peut pas être repoussé, à l’exception de ce qui atteint le niveau de la certitude. » [Ghazali, Iqtisad fil I`tiqad; Fatwa Sheykh Bin Bayyah, Amman Message]
En clair, une question douteuse qui pourrait suggérer la mécréance ne peut pas l’emporter sur la certitude d’origine de la croyance d’un Musulman – seuls un acte ou une déclaration qui exprime avec certitude la mécréance pourrait le faire. Et cette détermination n’est pas la fonction du commun des Musulmans, mais plutôt et uniquement celle des juristes et théologiens qualifiés.
Et Allâh est plus savant.
Wassalam
Sheykh Faraz A. Khan
© Traduit avec l’autorisation de l’honorable sheykh Faraz Rabbani (qu’Allâh le récompense)
Ps : sur le même sujet, lire l’article : Interdiction de jeter l’anathème sur un musulman par A.H. Muhaddith Dehlvi