Le présent inestimable
– S’éduquer et s’apaiser pour trouver l’équilibre dans son foyer –
بسم الله الرحمن الرحيم
Se remettre en question n’est pas souvent plaisant et pourtant cela peut ouvrir les portes d’une vie bien plus belle. C’est vrai, cela demande du travail, un engagement sincère et constant, une grande motivation. Cependant, n’est-ce pas la raison de notre présence sur cette terre ? Nous sommes extrêmement reconnaissants envers Allah de nous avoir fait entrer dans cette famille de l’islam et de nous avoir donné cette chance d’explorer nos problèmes et nos traumatismes sous le jour du test à passer. Il y a des circonstances que nous ne choisissons pas, dont nous nous empresserions volontiers de nous débarrasser comme d’une braise dans la main, mais elles sont là. Elles sont là pour nous pousser à changer nos habitudes, prendre responsabilité, demander de l’aide et avancer en maturité et en sagesse. Profitons de de ce mois sacré pour explorer trois sujets très importants qui sont le mariage, les enfants et le divorce, car toute perte, changement ou évènement sont des invitations à réfléchir.
C’est sounna de se marier. Néanmoins, cela ne veut pas dire que lorsqu’untel veut se marier, il est capable de le faire. Nous sommes malheureusement issus de sociétés malades, fatiguées et en mal d’amour – au Moyen-Orient également, même si la famille et l’environnement sont un peu plus protégés – ce qui a des répercussions désastreuses dans nos foyers. Beaucoup ne sont pas aptes à vivre en couple, et le nier, c’est foncer droit dans le mur et reproduire son passé dans le présent, voir son mariage se décomposer, se remarier et revivre la même histoire sans jamais comprendre que le problème est en nous et que la situation ne s’améliorera pas tant que nous ne ferons pas face à notre Histoire. Peut-on s’exprimer avec calme et empathie si étant enfant on n’a vu que cri et colère ? Il faut se reprogrammer à travers des thérapies, des cours psychoéducatifs, des groupes sociaux ou autres.
Le mariage n’est pas une question d’âge ! L’âge n’a en réalité rien avoir là-dedans, mais c’est plutôt l’intelligence et l’équilibre émotionnel qui aideront au succès de celui-ci. Les divorces ne cessent d’augmenter partout dans le monde, ils sont incroyablement élevés, même en Jordanie et ailleurs. Pour quelles raisons ? Le manque de préparation comme il est mentionné plus haut, mais aussi cette utopie dans laquelle beaucoup de gens vivent pensant que le mariage doit être parfait ; que si l’attirance, la passion ainsi que la connexion physique et émotionnelle diminuent, et bien il faut s’arrêter là. Seulement la réalité est tout autre. Le mariage demande travail et tolérance ! Le « tout, tout de suite » de nos sociétés ne nous aide pas à comprendre ce point. Rien n’est parfait dans les relations avec autrui et tout demande patience quelles que soient l’époque et la culture. « Les relations mènent au chemin spirituel ultime, parce qu’elles nous posent constamment le défi d’aimer et d’accepter dans les situations dans lesquelles nous sommes plus enclins à fuir et rejeter. Pour cette raison plus que toutes, les relations sont l’endroit où notre spiritualité apparaît clairement. Vous pouvez en dire plus sur la véritable spiritualité d’une personne par la façon dont il ou elle traite sa (son) partenaire que par sa présence à l’église. » [1] Prendre la décision de s’engager à la hâte, sans vraiment réfléchir ou pour faire plaisir à autrui peut engendrer un autre plus grand problème : avoir des enfants en sous-estimant la responsabilité et les conséquences.
Avoir des enfants est une excellente chose en islam, cependant personne n’est obligé d’avoir des enfants (même toute sa vie) et encore moins d’en avoir neuf mois pile après le mariage. Ne mélangeons pas culture et religion. Nous ne nous connaissons pas avant le mariage. Certes, nous avons parlé et nous nous sommes mis d’accord sur de nombreux points de la vie familiale, mais il nous reste à découvrir la personne en face. Alors pourquoi se précipiter ? C’est vrai que cela marche pour certaines personnes, néanmoins il n’y a absolument rien de mal à profiter du mariage à deux, se connaître, apprendre à s’aimer et à s’accepter avant de passer à l’étape suivante. Les enfants ne nous appartiennent pas. Ils nous ont été confié par Allah et c’est notre devoir d’en prendre soin. Un enfant a tous les droits de naître dans un environnement sain où règnent l’amour et la paix. C’est une des pires injustices de ce monde que de commencer sa vie et la plus importante phase de l’existence au sein de gens qui ne sont pas psychologiquement ou émotionnellement stables. Toute sa vie cet enfant va payer les conséquences désastreuses du manque de patience et de discernement de ses parents. Plus tard il aura aussi des problèmes relationnels, il aura à briser le cercle de ce qui lui est arrivé et s’il ne le fait pas sa descendance continuera à souffrir comme il a souffert et ainsi de suite. Cela lui prendra beaucoup de temps pour se reconstruire et trouver un équilibre avec l’aide d’un professionnel. Cet article n’est bien sûr pas réservé qu’aux jeunes. On apprend à tout âge et il y a de fortes chances que si une personne a toujours des relations difficiles avec ses enfants, son époux (se), des membres de sa famille ou qu’elle a vécu plusieurs divorces, qu’il y a des problèmes en elle qu’elle n’a pas réglés. Le temps seul n’arrange rien. Allah nous mettra toujours dans la même situation pour nous montrer que le test n’a pas été passé, même si le traumatisme a eu lieu vingt ans ou quarante ans auparavant. Nous voulons rejoindre Allah dans les meilleures conditions, c’est notre plus noble intention. Nous avons à notre charge la génération suivante et leur donner du bien c’est donner de l’amour au monde, leur donner de la douleur c’est être responsable du mal-être de l’humanité.
Le divorce était courant chez les Compagnons رضي الله عنهم, et les histoires de couple de certains d’entre eux n’étaient pas des contes de fées, ce qui est une source d’enseignement pour nous. L’imam as-Sakhaoui رحمه الله mentionne bien dans son encyclopédie des grands érudits et érudites, ad-Daw al-Lami’, de l’Égypte du quinzième siècle, les chaykahte qui étaient mariées, veuves ou divorcées, et le dernier cas revient assez fréquemment. Ils avaient des problèmes comme nous en avons. Néanmoins, le divorce reste le moyen de dernier recours quelles que soient l’époque et la société. Lorsque l’on se marie, l’intention est de construire une vie à deux, ce qui veut dire accepter que l’on ne soit pas toujours en accord avec ce qui a lieu. Une fois encore, il ne faut pas avoir peur de consulter l’aide de professionnels et cerner le problème. Le mariage n’est pas facile, mais abandonner trop vite peut avoir des conséquences émotionnelles et physiologiques graves dans le futur surtout si l’on vient à regretter son choix. Oui, bien sûr, nous croyons tous au destin, mais comme nous le savons également nous avons un libre-arbitre et chaque action a une répercussion. Il est étonnant que dans des situations où le musulman a la possibilité d’agir il prétend s’en remettre complètement à Allah sans rien faire, hors ce n’est pas la signification du tawakkoul. Il y a des gens qui essayeront des dizaines voire des centaines de fois d’atteindre le succès dans un emploi, un projet, une entreprise, etc. mais lorsque l’on parle de mariage, ils abandonnent dans les premiers mois ou premières années. Quelle est la différence ? Le mariage est un projet et il demande du dévouement également. Et quel noble projet ! C’est un jihad contre son ego du matin au soir : la moitié de la foi. Si l’on ne travaille pas sur son mariage, Allah ne nous donnera pas le tawfiq, mais on dira après que c’est le destin ! Pourtant, pour beaucoup un divorce est incroyablement douloureux qu’il y ait des enfants ou non. C’est un lien émotionnel et spirituel qui se brise, c’est une douleur physique, un déphasage, de l’anxiété, du stress, de l’insomnie, des pertes de mémoire incroyables, etc. Nous ne sommes pas encore bien équipés pour nous occuper de ceux qui traversent ces moments difficiles bien qu’ils soient malheureusement extrêmement nombreux. Nous leur disons d’avancer et d’oublier, sans comprendre la peine et le sentiment d’échec qu’ils traversent. Ils ne sont pas prêts à « tourner la page ». Cette expression ne veut vraiment rien dire. Ils n’en ont pas besoin en fait, le pansement des plaies prendra le temps qu’il faudra et leur vie continuera sur cette page ou sur une autre. En revanche, ils ont besoin d’apprendre à se connaître, comprendre le problème et travailler sur eux-mêmes tout en nous ayant comme compagnons fidèles. Bien entendu, le divorce peut avoir du bon, comme toutes les épreuves de la vie, si l’on travaille sur soi et accepte sa part de responsabilité dans l’échec du mariage. Il peut parfois être nécessaire pour nous aider à y voir plus clair, cependant il n’est pas la seule manière possible pour prendre ses distances. On peut se mettre d’accord pour s’éloigner un certain temps, comme le Prophète ﷺ l’avait fait avec ses épouses رضي الله عنهن. Les écoles de jurisprudence détaillent les différentes manières de procéder. Dans tous les cas nous avons le droit à deux divorces révocables – ce qui est un immense cadeau d’Allah – et il est important de divorcer dans les règles et de ne pas se séparer durant la ‘idda.
Certains psychologues disent que l’anxiété est la raison première des mariages qui se brisent. Il faut apprendre des techniques pour s’apaiser, être pleinement présent, s’occuper de soi et prendre soin de ses besoins régulièrement et ne pas attendre que quelqu’un le fasse pour nous. Le mariage ne règlera pas nos soucis personnels, c’est à nous de le faire avant, car se gérer soi-même est une chose, mais vivre à deux en est une autre ; cela peut provoquer des émotions ou des angoisses longtemps enfouies qui peuvent affecter la vie de couple.
Nous vivons dans une époque que l’on pourrait appeler : « le printemps de la culture », tout est là devant nous, beau, frais, agréable, accessible et gratuit. Nous n’avons absolument aucune excuse de ne pas nous documenter sur la nature de nos problèmes et essayer de les résoudre au lieu de blâmer les autres. Il est temps pour nous de faire de réelles modifications quant à notre façon de voir les choses, d’améliorer l’ambiance familiale et la société dans son ensemble. La génération du Prophète ﷺ avait travaillé si dur pour suivre son exemple et plaire à Allah, devenant ainsi à leur tour des modèles pour les générations suivantes. Mais, nous, que faisons-nous pour nous-mêmes et pour ceux qui prendront notre place ? Rajab est là et la récompense des bonnes actions est multipliée. Quelle serait la récompense de celui qui travaille sur lui (elle)-même, son mariage, sa famille ou aide un couple en crise ou ceux qui traversent un divorce ? Ramadan approche à grands pas, le deuxième avec le Corona. Serons-nous différents et meilleurs à la fin de celui-ci ? Pouvons-nous être fiers de nos efforts ? Nous demandons à Allah de nous inspirer, de nous montrer la Voie dans tous les aspects de nos vies et de remplir nos cœurs d’Amour et nos actions de sincérité, amine.
Notes :
[1] Citation de Gay Hendricks tiré du livre « The Big Leap ».
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