Allâh dit dans le Coran : « Le Tout Miséricordieux S’est établi [istawâ] sur le Trône ».Ce verset, comme le souligne les imams ash-Shafi’î, Malik ibn Anas et bien d’autres encore, fait parti des versets ambigus. Malgré cela, certains n’hésitent pas à prendre ce verset, et chaque mot qu’il contient dans son sens littéral, prétendant ainsi qu’Allâh serait localisé et installé au dessus du Trône (d’autres parmi eux allant même jusqu’à dire « assis » – qu’Allâh nous préserve d’une telle croyance -).Il est pourtant évident que si le sens correct était le sens littéral strict, ce verset n’aurait alors rien d’ambigu !Ce fait est souligné par l’imam Al-Jawzi(m. 597) : « […] Ils disent alors : « Nous les prenons selon leur sens apparent ». Comme c’est étonnant ! Quel est » le sens apparent » de ce que seul Allah connait ? Le « sens apparent » de istiwa’ est-il autre que s’asseoir ? Et « le sens apparent » de nuzul est-il autre que le déplacement ? »
L’imam des deux sanctuaires, al-Haramayn al-Juwayni (m. 478) s’adresse également à ce petit groupe d’homme lorsqu’il dit : « On doit prendre le soin de montrer aux vulgaires anthropomorphistes (hashwiyya) les versets sur lesquels ils pratiquent le ta’wil (l’interprétation). De sorte que lorsqu’ils invoquent comme preuve de leur croyance en l’installation d’Allâh, le sens apparent [du verset] « Le Tout Miséricordieux S’est établi [istawâ] sur le Trône » (Qou’ran 20:4), demandez-leur le sens de « et Il est avec vous où que vous soyez » (Qour’an 57:4). S’ils prennent ce dernier selon son sens apparent également, alors ils annulent le sens apparent qu’ils affirment concernant Son établissement sur le Trône, et ils proclament également le déshonneur de leur croyance aux yeux de toute personne raisonnable ; cependant, s’ils le comprennent comme se rapportant au fait qu’Il nous cerne de par Sa science, alors ils ont appliqué le ta’wil, et il ne nous est plus interdit de faire la même chose en interprétant Son établissement comme « le fait de soumettre » (qahara) et « de régner sur » (ghalaba), comme cela est autorisé par la langue arabe… D’ailleurs, l’istiwa dans le sens d’istiqrar (ou d’installation), présuppose un état antérieur de perturbation, et croire ceci est de la mécréance (kufr)…
S’ils disent : Pourquoi ne laissez-vous pas passer le verset selon son sens apparent sans l’interpréter, et ne dîtes-vous pas seulement qu’il fait partie des mutashabihat dont la signification n’est connue que d’Allâh ? Nous disons : Si l’interpellateur veut laisser passer istiwa selon le sens apparent qui suggère généralement l’établissement physique, un tel sens nous conduit à l’anthropomorphisme, alors qu’il est avéré que cela est explicitement impossible, dans ce cas le sens apparent est rejeté…»
Pour approfondir le sujet, voici la traduction du texte écrit par le Sheykh Gibril Fouad Haddad en réfutation à ceux qui prétendent qu’Allâh serait assujetti au changement, à la localisation ainsi qu’au déplacement.
La parole « Allâh est de toute éternité, sans endroit, et Il est maintenant comme il a toujours été » est rapportée – sans chaîne de transmission – depuis ‘Ali ibn Abi Talib – Qu’Allâh soit satisfait de lui [1]. Ibn’ Ata Allâh al-Sakandari (m. 709) cite néanmoins cette parole dans l’un des ses Hikam [2]
Le Prophète (salallahou ‘alayhi wassalaam) a dit : « Allâh était alors qu’il n’y avait rien d’autre que Lui et Son Trône était sur l’eau et Il inscrivit toutes choses dans les Tablettes préservées (al-Lûh al-Mahfûdh) et Il créa les cieux et la terre. » [3]
L’Imam Abu Hanifa (m. 150) a dit : « Si Il avait été dans un endroit et avait eu besoin de s’assoir et de se reposer avant de créer le Trône, alors la question « Où était Allâh ? » se serait appliquée à lui, ce qui est impossible » [4]
L’Imam Ash’ari Ibn ‘Abd al-Salam a dit dans sa Profession de Foi :
« Allâh était avant qu’Il ne créé l’endroit et le temps, et Il est maintenant comme il a toujours été. » [5]
Abu al-Qasim ibn ‘Asakir résume d’une manière similaire la position de l’imam Abu al-Hasan al-Ash’ari :
« Les « Najjariyah » disent que le Créateur, qu’Il soit exalté, est dans tous les endroits sans qu’Il soit diffus et sans direction, tandis que les « Hashawiyyah » et les « Mushabbiha » disent qu’Il a pris place sur le Trône, que le Trône est Son emplacement, et qu’Il est assis dessus. Quant à l’imam al-Ash’ari, il a choisi une voie qui est entre les deux, en disant que Dieu existait alors qu’il n’y avait pas d’endroit, puis qu’Il créa le Trône et le Koursiyy [6], sans le besoin d’avoir un endroit, et qu’Allâh est, après avoir créé l’endroit, exactement comme Il était avant de l’avoir créé. » [7]
Telle est la position d’al-Ash’ari que rapporte également Ibn Jahbal al-Kilabi (m. 733) : « Les paroles du Sheikh [Abu al-Hasan al-Ash’ari] concernant la direction sont les suivantes : « Allâh était quand il n’y avait aucun endroit, puis Il a créé le Trône et le Koursiyy , sans jamais avoir eu besoin d’un endroit, et Il est, après avoir créé l’endroit, exactement comme il était avant de l’avoir créé. » [8]
Ibn Jahbal dit également dans sa Réfutation à l’égard d’Ibn Taymiyya :
« Nous disons : Notre doctrine est qu’Allâh est prééternel et préexistent (qadîm azalî). Il ne ressemble à aucune chose et nulle chose ne Lui ressemble. Il n’a pas de direction ni d’endroit. Il n’est pas sujet au temps ni à la durée. Ni le « où » (ayn) ni le « à » (hayth) ne s’appliquent à Lui. Il sera vu, mais pas lors d’une rencontre, ni dans le sens d’une rencontre. Il était quand il n’y avait aucun endroit, Il a créé l’endroit et le temps, et Il est maintenant tel qu’Il a toujours été. Ceci est l’école (madhhab) de Ahl al-Sunna et la doctrine des Shouyoukh de la Voie – qu’Allâh soit satisfait d’eux -. » [9]
Muhammad ibn Mahbub, le serviteur d’Abu ‘Uthman al-Maghribi, a déclaré : « Abu’ Uthman m’a dit un jour : « O Muhammad! Si quelqu’un vous demandait : Où est celui que vous adorez, que répondriez-vous? J’ai dit : « Je répondrais : Il est où il n’a jamais cessé d’être. » Il a dit: « Et si il demandait : Où était-il dans la prééternité ? J’ai dit : « Je répondrais : Où il est maintenant. C’est-à-dire : Il était alors qu’il n’y avait pas d’endroit, et Il est maintenant, comme Il a toujours été. » Abu ‘Uthman fut satisfait de ma réponse. Il retira sa chemise et me l’a donna. » [10]
Le Sheikh al-Akbar Muhyi ud-Din ibn ‘Arabi a dit dans le chapitre « doctrine Islamique » de l’ouvrage al-Futuhat al-Makkiyya :
« Il n’y a absolument aucune ressemblance concevable, quoi que tu imagines dans ton esprit, Allâh en est différent. Il n’est pas limité (contraint) par le temps, l’endroit, le fait d’être porté ou bien encore le déplacement. Plutôt, Dieu existait alors qu’il n’y avait pas d’endroit, et il est maintenant, comme Il a toujours été. Il créa le contingent, l’endroit, [11] le temps, et dit : « Je suis l’Unique, L’Absolu » [12] Préserver Ses créations ne l’affaibli nullement. Seul les Attributs de perfection conviennent à la Magnificence d’Allâh. [13]
Contrairement aux créatures, Allâh n’est pas assujetti aux événements. Les notions de « Commencement », de « Temps » et de « Lieu » ne s’appliquent pas à Lui. Plutôt, nous disons: « Il était et il n’y a avait rien avec Lui » [14] Les termes « avant » et « après » sont parmi les locutions du Temps qui est une de Ses créatures. »
Sulayman ibn ‘Abd Allâh ibn Muhammad ibn’ Abd al-Wahhab (m. 1817 CE), le petit-fils du fondateur du Wahhabisme a déclaré :
« Celui qui croit ou dit : Allâh est en personne (bi dhātihi) en tout lieu, ou en un seul endroit est un mécréant. Il est obligatoire de déclarer qu’Allâh est distinct (bā’in) de Sa création, Istiwa [15] au dessus de Son Trône, sans modalité (bila kayf), similarité ou ressemblance. Allâh était alors que l’endroit n’existait pas, puis Il l’a créé et Il (Exalté soit-Il) est maintenant comme Il était avant de créer le lieu. » [16]
Les Imams ont fermement réfuté ceux qui suggèrent que le Trône coexistait avec Allâh. Parmi ces réfutations on trouve celle d’al-Bayhaqi [17] et celle d’Ibn Hajar qui a écrit ce qui suit dans son commentaire du Sahih d’al-Bukhari (22ème chapitre du « Livre de Tawhid ») :
Al-Bukhari à nommé le Chapitre sur le Trône : « Le chapitre intitulé : (Et Son Trône était sur l’eau,) (Qour’an 11:7) (Et Il est le Seigneur du Trône immense) (Qour’an 9:129) ». De cette manière, il a mentionné les parties de deux versets Coraniques, et il est bon d’exposer cette deuxième partie, après la première, pour répondre à ceux qui ont mal compris le hadith : « Il y avait Allâh, et il n’y avait rien avant Lui, et Son Trône était sur l’eau » et qui pensent à tort que cela signifierait que le Trône a toujours été aux côtés d’Allâh [c’est-à-dire existant sans commencement]. C’est une mauvaise position, tout comme la conviction de certains penseurs que le Trône est le Créateur et le Concepteur ! Ceux qui avancent cela, tel Abu Ishaq al-Harawi, utilisent pour preuve le hadith d’Ibnou Abbas, rapporté par le biais de Sufyan at-Thawri : « Allâh était « sur » Son Trône avant qu’Il ne créé quoi que ce soit, la première chose qu’Il créa fut la Plume », [18] […].
‘Abd al-Razzaq indique dans son commentaire de la Parole d’Allâh : (Et Son Trône était sur l’eau,) (Qour’an 11:7) que le Trône d’Allâh fut créé en tout premier, avant les cieux, et qu’il fut créé à partir d’une émeraude rouge. Al-Bukhari mentionne également le fait que « Le Seigneur du Trône immense » fait allusion au fait que le Trône est un serviteur, et qu’il est soumis.
Il termine son chapitre avec le hadith : « Là, j’ai vu Moussa tenir le pied du Trône » [19] En confirmant que le Trône a des pieds, l’auteur apporte la preuve qu’il est un objet qui a été assemblé et possède des éléments constitutifs. Un tel objet ne peut qu’avoir été créé. Fin de citation d’Ibn Hajar [20].
Al-Munawi cite la conclusion suivante à propos du verset du Trône au dessus de l’eau :
« Al-Tunisi a dit que le verset (Et Son Trône était sur l’eau,) (Qour’an 11:7) contient une preuve évidente qu’il est impossible qu’Allâh soit dans une direction, parce que le Trône est fixé sur l’eau, donc, puisque le court naturel des choses a été brisé par le positionnement de cette énorme masse (jirm), la plus grande de toutes les masses, au dessus l’eau, contrairement au fait habituel qui voudrait qu’une telle masse, et même une bien inférieure à celle-ci, ne tiennent pas au dessus de l’eau : il devient donc certain que l’Istiwā au dessus du Trône n’est pas une Istiwā d’installation ni de résidence. » [21]
Paix et Bénédictions sur le Prophète Muhammad, sa famille, et tous ses Compagnons.
NOTES :
[1] Comme cité par ‘Abd al-Qahir al-Baghdadi (mort en 429) dans son al-Farq bayn al-Firaq (p. 256).
[2] Hikam (Paroles de sagesses) – édition française # 38.
[3] Rapporté de ‘Imran ibn Husayn al-Bukhari, dans son Sahih, livre du début de la Création.
[4] Abu Hanifa, Wasiyya al-Imam al-A’zam, ed. Fu’ad ‘Ali Rida (Beyrouth: Maktabat al-Jamahir, 1970) p. 10.
[5] Ibn ‘Abd al-Salam, Mulha fi al-I `tiqad Ahl al-Haqq, dans son Rasa’il al-Tawhid (p. 11).
[6] Le mot Koursiyy est le plus souvent traduit par « Piédestal ».
[7] Dans Tabyin Kadhib al-Muftari (Saqqa ed. P. 150).
[8] Dans Tabaqat al-Shafi `iyya al-Kubra (9:79).
[9] Dans Tabaqat al-Shafi `iyya al-Kubra (9:41).
[10] Dans Tabaqat al-Shafi `iyya al-Kubra (9:43).
[11] Ou : « Il a créé le lieu et tout ce qui a eu lieu. »
[12] Dans le sens : Dieu est Le Vivant, d’une vie sans commencement, ni fin. Il n’a besoin de rien ni de personne, il est
auto-suffisant.
[13] Lâ tarji’u ilayhi sifatun lam yakun ‘alayhâ min sun’ati al-masnû’ât.
[14] Le Prophète à dit : « Allâh était alors qu’il n’y avait rien d’autre que Lui. Son Trône était au dessus de l’eau, et Il créa les cieux, la terre et inscrivit tout cela dans les Tablettes Préservées (al-Lûh al-Mahfûdh) ». ‘Imran ibn Husayn rapporté par al-Bukhari, dans son Sahih, livre du Début de la Création. Il existe d’autres formulations de ce hadith, tels que : « Allâh était alors qu’il n’y avait rien d’autre que Lui / avec Lui / avant Lui ». Burayda rapporté par al-Hakim dans al-Mustadrak (2:341), qui l’a déclaré authentique (sahīh) – en accord avec L’imam Ad-Dhahabi – et de ‘Imran ibn Hussein par Al-Bukhari et Ibn Hibban avec deux chaîne solides dans son Sahih (14:7 # 6140, 14:11 # 6142), ainsi que Ibn Abi Shayba dans son Musannaf.
[15] Istiwa : L’imam Abu Mansur `Abd al-Qahir al-Baghdadi (m. 429) dit dans Usul al-Din : « La position correcte selon nous est l’interprétation du Trône dans ce verset comme signifiant la souveraineté (al-mulk), comme si Il avait voulu dire que la souveraineté n’en a été établie pour nul autre que Lui. Il rapporte ensuite la parole de Sayidina `Ali : « Allâh a créé le Trône comme indication de Sa puissance, non pas pour le prendre comme endroit pour Lui-même. »
[16] Dans son al-Tawdih ‘an Tawhid al-Khallaq fi Jawab Ahl al-‘Iraq (1319/1901, p. 34, et de nouvelles ed. Al-Riyad: Dar Tibah, 1984).
[17] Cf. al-Asma ‘wa al-Sifat de l’imam Al-Bayhaqi, dans le chapitre intitulé « Le début de la création » : Allâh dit : « Et c’est Lui qui instaure la première Création, puis la renouvelle avec plus de facilité encore. » (Qou’ran 30:27). Abd Allâh ibn Amr ibn al-‘As raconte que le Prophète à dit : « Allâh a inscrit tous les destins 50000 ans avant de créer les cieux et la terre. » [Rapporté de ‘Abd Allâh ibn ‘Amr ibn al-As par at-Tirmidhi (Hassan Sahih Gharib). Ahmad et Muslim le rapportent comme suit : « Allâh a inscrit le destin de toutes les choses créées 50000 ans avant la création des cieux et de la terre, tandis que Son Trône était sur l’eau, (wa ‘arshuhu’ ala al-ma’) ». ‘Imran ibn Husayn raconte … que le Prophète a dit : « Allâh, était alors qu’il n’y avait rien d’autre que Lui. Son Trône était sur l’eau …. ». Les mots « Allâh, était alors qu’il n’y avait rien d’autre que Lui. » indique qu’il n’y avait rien d’autre que Lui – ni l’eau, ni le Trône, ni rien d’autre, car tout cela est « autre que Lui ». La Parole : « Son Trône était sur l’eau » signifie que l’eau a été créée, suivie du Trône qui fut placé sur l’eau, après quoi Allâh a inscrit toutes choses sur les Tablettes préservées, comme rapporté dans le hadith d’Abd Allâh ibn ‘Amr ibn al-‘As.
[18] Rapporté de Mujahid depuis Ibn ‘Abbas par Abd ibn Humayd comme indiqué par as-Suyuti dans al-Durr al-Manthur pour le verset « En vérité, Nous avons donné une juste proportion à tout ce que Nous avons créé. » (Qou’ran 54:49).
[19] Partie d’un long hadith narré par Abu Hurayra rapport par al-Bukhari, Tirmidhi (hasan sahīh), et Ibn Majah, et d’Abu Sa’id al-Khoudri rapporté par al-Bukhari, Muslim, et Ahmad.
[20] Ibn Hajar dans Fath al-Bari (1959 ed. 13:409 f.). Ailleurs, Ibn Hajar (6:290 # 3019) examine les différentes versions du hadith : « Allâh était et il n’y a rien d’autre que / avec / avant lui » pour conclure à la preuve que l’eau fut créée en 1er, puis le Trône, puis la Plume.
[21] Dans Fayd al-Qadir de l’imam al-Munawi.
Pour plus d’information vous pouvez consulter le texte suivant : L’Istawa d’Allâh sur Son Trône par Mufti Muhammad Kadwa