Les plus belles histoires d’amour ne sont pas des contes de fées…
Maryam Szkudlarek
À la fin des années cinquante, dans un petit village du Portugal un couple d’à peine vingt ans se marie. Deux filles naissent, puis l’époux quitte sa terre natale, gouvernée alors par un dictateur tyrannique, laissant son épouse enceinte du troisième enfant. Il part pour la France pour trouver un avenir meilleur. Le voyage prendra des semaines et sera extrêmement périlleux. Certains de ses compagnons y périront. Il ne donnera pas de nouvelles pendant des mois. Puis, deux ans plus tard, les billets de train arrivent pour que tout le monde le rejoigne. Ce sera des jours, des mois, des années dures, très difficiles. Des épreuves qui laissent des traces. Néanmoins, soixante ans plus tard, ils sont toujours là, plus amoureux que jamais, veillant l’un sur l’autre, ne pouvant dormir si leur moitié est souffrante.
À la fin des années soixante, dans un petit village kurde de la Turquie, un homme de trente-cinq ans perd son épouse. Il est sans enfant. Il se marie donc avec la sœur de celle-ci, âgée alors de 14 ans. Ils auront neuf enfants dont un qui mourra en bas âge et une autre plus tard d’un cancer. Malgré leur différence d’âge, ils font une jolie paire, la joie enfantine mariée à la voix de la sagesse. Il aime énormément son épouse et tous ses enfants. Ces derniers sont d’une grande bonté et générosité, ayant grandi dans un environnement sain, pur et innocent. L’année dernière, ce sage que les gens aimaient saluer et demander ses du’a, décéda le vendredi 22 de ramadan 1441, à plus de quatre-vingt-dix ans, qu’Allah lui fasse miséricorde. Son épouse fut très triste et pleura beaucoup. Elle dit : « Il y a de mes bien-aimés dans ces tombes, mais je les ai tous oubliés, car sa mort est bien plus douloureuse que toutes les autres. »
En 2007, Ustadha perd son compagnon de vie de quinze ans son aîné. Celui qui partagea sa vie quarante ans. Celui qui joua le rôle du père qu’elle avait perdu quand elle était enfant. Celui avec qui elle avait quitté la Palestine et émigré dans les pays alentour. Celui avec qui elle eut un train de vie aisé pendant longtemps avant de tout perdre. Celui avec qui elle voyagea à travers le monde. Le choc et la douleur sont immenses. Ses enfants, inquiets pour sa santé, l’inscrivent dans un centre de Qur’an pour qu’elle s’occupe. Elle deviendra au bout de quelques années une des enseignantes du centre, spécialiste des dix récitations. Ce grand amour s’est sculpté dans les sillons de l’apprentissage du livre d’Allah.
En 2019, dans une maison d’un lotissement rupin de Dubaï, un shaykh nous convie chez lui. Son épouse nous accueille. Elle est Égyptienne, très belle, instruite, cultivée, parlant l’arabe littéraire, le français et l’anglais. C’est une hôte extrêmement agréable et gentille. Elle nous dit qu’elle a cinq enfants. Une autre femme est présente, effacée, discrète. En réalité la charmante dame n’a pas cinq enfants, mais trois. Le bébé qu’elle a sur les genoux n’est pas le sien, mais celui de l’autre femme qui est la deuxième épouse de son mari. L’aînée des cinq, qui a quinze ans, mentionne que la situation est effectivement « bizarre ». Tout le monde sourit puis rit. Je suis subjuguée par la beauté de cette femme, son attitude, sa gentillesse, sa générosité et son innocence. J’observe toute la famille. Des milliers de questions auxquelles je ne peux avoir de réponses me passent par la tête, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a beaucoup d’amour : l’amour d’une femme pour l’enfant d’une autre, l’amour d’une mère pour son enfant, l’amour d’une demi-sœur pour son demi-frère, l’amour d’une femme pour ses invités et surtout l’amour d’Allah.
Le mariage n’est pas un conte de fées. Les relations humaines n’ont jamais été simples et encore moins les relations de couple. Il faudra faire des efforts pour obtenir une union forte qui résiste aux tentations et aux tempêtes. Un professeur turc m’a un jour dit : « Le mariage est un bateau. Parfois le ciel est clair, parfois la mer est houleuse, mais il tient bon. » Chaque histoire est différente. Les êtres humains ne sont pas parfaits, les circonstances non plus. Cependant, les objectifs doivent rester les mêmes pour tout le monde. Gardons en tête que le mariage est la moitié de la foi donc il faut s’attendre à ce que ce soit difficile ; qu’il faut faire preuve de gratitude en toutes circonstances, et d’une belle patience (sans cris et sans plaintes) ; qu’il est primordial de vouloir un mariage heureux et de ce fait travailler sans relâche pour l’avoir ; qu’il ne faut jamais abandonner comme on n’abandonnerait pas sa famille de naissance, ni ses études et son travail ; que le divorce n’est pas envisageable, c’est une porte condamnée ; qu’il faut être prêt à se sacrifier, et surtout se rendre précieux (se) à ses yeux.
Le mariage est la meilleure école pour se reformer, si on le prend comme il se doit. L’époux (se) est le miroir qui reflète notre personne qu’Allah tient en face de nous. Il serait stupide de casser le miroir seulement parce que l’on n’aime pas ce qu’on y voit dedans.
« Ne perdez pas de vue la personne avec laquelle vous êtes tombé(e) amoureux (se), ramenez-la. » Maryam Lemu1
Maryam Szkudlarek