L’obligation Islamique de préserver la femme

Par Sheykh Musa Furber [1]

Viol_Islam

Ce que nous avons appris récemment en lisant les journaux indiens est horrible et déchire le cœur : deux victimes présumées de viols collectifs sont décédées. L’une de ces jeunes femmes ayant succombé à ses blessures avait 23 ans, quant à l’autre fille, elle avait 17 ans et elle s’est suicidée après avoir subi des pressions pour qu’elle épouse l’un de ses agresseurs présumés.

Ces histoires sont horribles, mais malheureusement, elles nous rappellent également d’autres cas similaires que nous avons pu observer au cours de l’année 2012.

Ces cas comprennent la jeune fille marocaine de 16 ans qui s’est suicidée après avoir été condamnée par la cour à épouser l’homme qui l’aurait violée, ainsi que d’autres cas similaires en Jordanie impliquant des jeunes filles de 14 et 15 ans. Dans ce type d’affaires, les sociétés concernées – et leurs systèmes juridiques – préconisent de gracier les violeurs si un accord peut être trouvé leur permettant d’épouser leur victime. Le Maroc possède sa clause 457 (dont les origines remontent à la loi française et qui se destine uniquement aux cas de relations sexuelles effectuées avant le mariage consensuel). Quant à la Jordanie, elle a son article 308. Des lois similaires existent dans d’autres pays où apparemment, l’honneur d’une femme se répercute sur sa famille d’une manière perverse, et où les stigmates du viol l’emportent sur le caractère sacré de la vie de la femme et de sa dignité.

Quand je lis ces affaires, je demeure perplexe sur la façon dont les Musulmans peuvent permettre à un violeur d’obtenir le pardon en épousant sa victime, souvent en faisant pression sur leurs victimes et leurs familles afin qu’ils coopèrent. En tant que spécialiste du droit Musulman, je sais que ces cas constituent des violations flagrantes des enseignements de l’Islam concernant les droits des victimes, la définition de la justice et le sens du mariage.

La conception Islamique est claire en ce qui concerne l’auto-défense qui est un droit et une obligation ainsi que sur le fait qu’on doit défendre autrui contre les attaques visant sa personne et sa dignité. C’est particulièrement le cas pour les agressions sexuelles, où une femme est obligée de repousser son agresseur et où les passants ont pour obligation de venir à son aide. Certains savants préconisent que la légitime défense de la femme s’étende même aux séquelles consécutives à une attaque, ce qui comprend le fait de les aider à retrouver leur sentiment de sécurité, de traiter le traumatisme émotionnel, et de leur permettre d’avorter (ndt : si la victime le souhaite) si le viol entraine une grossesse. Ceux qui soutiennent cette position disent que c’est compatible avec les objectifs nobles de la Loi Sacrée qui place la protection de la vie et de l’intelligence de la femme au-dessus de la protection de la lignée, de la propriété et de la réputation. La Loi Sacrée est également claire sur le fait que le mariage est une relation basée sur l’affection, le respect mutuel, l’intimité, la confiance, la bonté, et que c’est un refuge contre le désir charnel incontrôlé.

Contraindre une victime de viol à épouser son violeur (supposé ou condamné) revient à lui refuser la possibilité de se défendre et l’expose à d’autres attaques contre sa personne, son intelligence et sa dignité. Cela l’oblige aussi à vivre dans une relation qui est fondée sur la haine, l’aliénation, la violation et l’abus, et cela récompense son agresseur pour sa violence.

Les exhortations à la miséricorde sont enracinées dans l’Islam. Pardonner aux violeurs qui acceptent d’épouser leurs victimes et les contraignent à le faire, c’est l’antithèse de la miséricorde.

Nous avons déjà observé que contraindre les victimes à épouser leurs violeurs conduit bien souvent au suicide des victimes. Les obliger à se marier ainsi, place la dignité familiale au dessus de sa propre vie, de son intelligence et de sa dignité – ce qui est contraire à l’ordre des priorités assignées par la Loi Sacrée -. Comment peut-on concilier cette inversion des priorités avec la conception Islamique qui considère la propagation de la corruption et la prise illicite d’une seule vie comme semblable au meurtre de l’humanité dans son intégralité, et qui considère que sauver une seule vie s’apparente à sauver l’humanité dans son intégralité ? [2]

Certains défenseurs de ces pratiques le font sous prétexte que c’est culturel et utilisent la flexibilité de l’Islam envers la culture et les coutumes locales. La culture locale met une telle honte sur le viol (qu’il soit supposé ou prouvé) qu’il en devient préférable pour la victime qu’elle épouse son violeur (supposé ou condamné). S’il est vrai que la Loi Sacrée autorise une certaine souplesse en ce qui concerne la culture et les coutumes locales, cela se limite à ce qui ne contredit pas la Loi Sacrée ou ne sabote pas ses nobles desseins. En bref, la Loi Sacrée confirme les pratiques qui sont en accord avec elle, mais rejette celles qui ne le sont pas.

D’autres suggèrent que les Lois sont destinées à s’appliquer uniquement dans les cas de relations sexuelles consensuelles, comme lorsque les couples le font dans l’espoir de forcer leurs familles à accepter leur mariage, et que lorsque cela est rapporté, l’acte est enregistré comme un viol. Agir ainsi, permet en quelque sorte de protéger la société contre la honte d’admettre que les femmes ont des rapports sexuels avant le mariage consensuel, mais cela ouvre une porte à la destruction de la vie des femmes qui ayant déjà subi une injustice sont forcées d’en subir une seconde encore bien plus grande, ce qui conduit parfois à leur suicide à cause de l’angoisse et du désespoir.

Il y a quelque chose de profondément anormal et injuste lorsqu’une société Musulmane utilise la honte engendrée par un viol comme un moyen permettant de faciliter la propagation de la corruption et la mort injuste de femmes.

La première génération de Musulmans (as-Salafs) était fière d’agir conformément aux prescriptions coraniques invitant les gens à abandonner l’infanticide des filles, un acte qui était la plupart du temps commis dans le but d’éviter la honte à la famille. Ainsi, pendant des siècles, les Musulmans ont été fiers de leur contribution à faire progresser le statut des femmes. Mais quelle fierté y a-t-il à arrêter d’enterrer les jeunes filles dans le sable si c’est uniquement pour leur permettre de grandir et d’atteindre l’âge adulte sans changer nos comportements vis-à-vis d’elles? Ces histoires tragiquement fréquentes de femmes violées à maintes reprises ne peuvent être décrites une fois de plus que comme une déformation de l’Islam, faite malheureusement par les Musulmans eux-mêmes.

Notes :

[1] Après s’être reconverti à l’Islam, Sheykh Musa Furber est parti étudier plusieurs années les Sciences Islamiques à Damas (Hadîth, Qou’ran, Fiqh, Grammaire arabe avancée, Sira, etc.). Il possède la qualification pour émettre des avis juridiques (fatwas) et a obtenu son autorisation de délivrer des avis juridiques auprès de très grands savants du Dar al-Ifta’ al-Misriyya et parmi eux le Grand Mufti d’Égypte, Sheykh ‘Ali Joumou’a. Le Sheykh est actuellement chercheur à la Fondation Tabah.

[2] Qour’an, s5/v32 : […] «Quiconque tue un être humain non convaincu de meurtre ou de sédition sur la Terre est considéré comme le meurtrier de l’humanité tout entière. Quiconque sauve la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’humanité tout entière ! » […]

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