Aboû Bakr Ibn Al-Bâqillânî
[338/950 – 403/1013]
L’Imam Ibn al-Bâqillânî, Muhammad ibn at-Tayyib ibn Muhammad ibn Ja`far ibn Qâsim, Le Sheykh al-Islâm, le Qâdî (Juge) Aboû Bakr ibn al-Bâqillânî al-Basrî al-Baghdâdî al-Mâlikî al-Ash`arî.
Son parcours :
L’Imam Ibn al-Bâqillânî (rahimahou Allâh) a reçu de l’Imam Ibn Mujahid les enseignements de l’Imam al-Ash’arī. Il avait pour habitude de dire : « Mes meilleurs moments sont ceux lorsque je parviens à comprendre la parole et les écrits d’al-Ash’arî ». [1]
Abu Bakr Al-Khatib a dit dans « Histoire des Baghdadis » : « Ibn al-Bāqillānī a étudié les Usul avec Abu Bakr ibn Mujahid et le Fiqh avec Abu Bakr al-Abhuri ».
D’après Abû al-Qâsim ibn Burhân Al-Nahwî, L’Imam Bâqillânî étudia l’École Mâlékite chez Abû Bakr Al-Abharî.
Il fut le leader parmi les Malikites de son époque. Il avait un bon Fiqh et un excellent argumentaire. Son cercle d’audience au sein de la mosquée al-Mansur à Baghdad était immense.
Il a utilisé la méthode d’al-Ash‘ari pour mettre en échec quasiment toutes les sectes de son époque – y compris les Chrétiens – parmi eux les Râfida, les Mu’tazila, les Khawârij, les Jahmiyya, les Karrâmiyya, les Mushabbiha et les Hashwiyya. Contre cette dernière, il a déclaré : « Celui qui prétend que la lettre « s » dans Bismillâh, qui vient après la lettre « b », et la lettre « m » qui vient après la lettre « s », n’ont pas de début, a abandonné toute rationalité, renié ce qui est obligatoirement connu, et contredit l’évidence. … Et comment pouvons-nous espérer orienter par des preuves quelqu’un d’assez buté pour nier ce qui est nécessairement connu ? »
Ibn al-Bâqillânî est le parangon de l’unité fondamentale des écoles Islamiques et de l’amour pour la satisfaction d’Allâh parmi les savants qui ont des opinions différentes. Dans son livre « Manâqib al-A’imma » il a montré que les Compagnons ont tous été récompensés pour leur ijtihâd, malgré les divergences qu’il y a eu entre eux.
Il était l’arbitre entre les soufis de l’université de Qayrawân et Ibn Abi Zayd al-Maliki, lorsque celui-ci a nié qu’Allâh puisse être vu dans ce monde. [2]
Al-Baqillani a écrit à quel point le Qour’an est le miracle prouvant de manière indéniable la fonction prophétique de Muhammad (salallahou ‘alayhi wassalam) : « Le point qui démontre qu’il est nécessaire de porter une attention toute particulière à cette branche de la science Coranique connue sous le nom de I’jaz al-Qour’an est que le rôle prophétique du Prophète est construit sur ce miracle. Même si plus tard, il a reçu le soutien de nombreux miracles, de circonstances particulières, et de personnes concernées exceptionnelles. » Les savants ont mentionné trois aspects particuliers de la nature miraculeuse du Qour’an. Al-Baqillani a déclaré : « L’un de ces aspects est qu’il (le Qour’an) contient des informations sur l’invisible, et c’est quelque chose au-dessus des capacités des humains, pour la raison qu’ils ne disposent d’aucuns moyen pour y accéder. Un exemple en est la promesse qu’Allâh, le Très-Haut, a faite à Son Prophète que sa religion, l’Islam, triompherait sur toutes les autres religions. Ainsi Allâh le Tout Puissant – Exalté soit-Il -, a dit : « C’est Lui qui a envoyé Son Prophète avec la guidance et la religion de la Vérité, afin de la faire prévaloir sur toutes les autres, n’en déplaise aux polythéistes. » [3]
À l’époque où le Calife ’Adud al-Dawla envoya Ibn al-Bâqillânî en tant qu’émissaire de l’empereur des Romains orientaux, on lui demanda pour voir l’empereur, d’entrer par une porte basse. Il réalisa que cela était destiné à le faire entrer sur ses genoux, à la suite de quoi il entra sur ses genoux, mais avec le dos tourné, s’approchant de l’empereur de dos. Au cours de cette conversation, il remarqua, à côté de l’empereur, un dignitaire de l’église. Il se tourna vers lui et demanda : « Comment vont votre femme et vos enfants? » En entendant cela, l’empereur a dit : « Hé! Le porte-parole de l’Islam ne sait-il donc pas que le moine n’est pas concerné par ces questions? » Ibn al-Bâqillânî a répondu : « Vous dispensez un moine de ces questions, mais vous ne dispensez pas le Seigneur des Mondes d’avoir une compagne et un enfant? »
On lui demanda également d’un ton moqueur : « Qu’est-il arrivé à Aïsha – radhia Allâhou ‘anha -? ». Ils faisaient référence au moment ou elle, femme du Prophète, fut accusée d’infidélité par les hypocrites. Ils voulaient lui faire perdre son calme par ces insinuations.Al-Baqillani répondit : « Ce qui est arrivé à Maryam. (elles furent toutes deux accusées d’adultère), elles furent ensuite toutes deux déclarées innocentes par Allâh, et Maryam mit au monde un enfant, et Aïsha non ». Ils ne purent trouver de réplique à cela car il leur avait montré qu’autoriser des attaques à l’égard de A’isha impliquerait de permettre de bien plus horribles et hérétiques accusations à l’égard de Maryam.
Al-Qadi al-Bāqillānī reçu le titre honorifique de Maître des Savants des Usul ou « Sheykh al-Usuliyyin », après avoir écrit « al-Taqrib wa al-Irshad » (Clarification et Orientation). Ce livre a été perdu depuis des siècles, bien qu’il soit encore possible de le retrouver dans quelques collections de manuscrits. Dans tous les cas, les savants des Usul continuèrent de le citer jusqu’au neuvième siècle (AH).
Les éloges à son sujet :
L’Imam ad-Dhahabî a fait son éloge et l’a décrit comme étant « L’Imam érudit, le Maître sans égal des théologiens et sommité parmi les savants des Usul (fondements de la Jurisprudence), auteur de nombreux ouvrages, exemple de perspicacité et d’intelligence. » Ailleurs, il déclare : « Il n’y a, entre tous les savants Ash`arites du Kalâm, personne de meilleur que lui. » [4]
Ibn Taymiyya a nommé al-Baqillani « le meilleur des théologiens Ash’arites, sans égal parmi ses prédécesseurs ou successeurs ». [5]
Al-Qadi ‘Iyâd a déclaré : « Il est connu comme étant « l’Épée de la Sunnah » (Sayf al-Sunna) et le Porte-parole de la Communauté (Lisan al-Umma), un théologien qui parle la langue des Savants du hadith, adhérant à la doctrine d’Abou Al-Hasan al-Ash’arî, et la sommité des savants Malikites de son époque ».
Abu ‘Abdullâh ibn Sa’dun a déclaré que toutes les factions étaient satisfaites du Qadi Abu Bakr dans sa capacité à juger entre les opposants.
Abu Bakr Al-Khatib a déclaré : « Il était la personne avec la plus savante du Kalam et le meilleur d’entre elles dans cette réflexion. Il a utilisé la langue la plus excellente, l’exposition la plus claire et l’expression la plus solide ».
Il a rapporté qu’Abu Bakr al-Khwarzami avait pour usage de dire : « Tout écrivain à Baghdad cite des livres d’autrui, sauf le Qadi Abu Bakr. Sa poitrine contient sa [propre] connaissance et la connaissance des gens ».
Le Qadi Abu’l-Walid a dit : « La raison pour laquelle j’ai étudié avec le Qadi Abu Bakr et reconnu sa valeur est dû à la fois où je me promenais à Baghdad avec Abu ‘l-Hasan ‘Ali ad-Daraqutni lorsque nous avons rencontré un jeune homme. Sheykh Abu’l-Hasan est allé à sa rencontre, lui a montré du respect et à fait des invocations (dou’as) en sa faveur. J’ai demandé au Sheykh : « Qui est celui avec qui vous vous comportez ainsi? » Il m’a dit, « Abu Bakr ibn at-Tayyib qui soutient la Sunnah et à maitrisé les Mu’tazilites ». Abou Dharr a dit : « Depuis ce jour, je l’ai fréquenté et j’ai suivi son enseignement ». Un grand nombre de gens ont appris avec lui les Usul-al-Fiqh, la Religion (Deen) et le Fiqh ».
Abû al-Qâsim ibn Burhân Al-Nahwî a dit : « Quiconque entend Abû Al-Qâdî Bakr débattre, ne sentira jamais plus de plaisir à l’audition d’un autre mutakallim (spécialiste du kalam), faqîh (spécialiste du fiqh), ou orateur ». [6]
Abu ‘Imran al-Fasi a dit : « Je suis allé à Baghdad après avoir appris le Fiqh dans le Maghreb et l’Andalousie avec Abu’l-Hasan al-Qabisi et Abu Muhammad al-Asili. Ils connaissaient les Usul. Lorsque j’ai assisté à l’assemblée du Qadi Abu Bakr et que j’ai vu ce qu’il disait à propos des Usul et du Fiqh à ceux qui étaient en accord et à ceux qui divergeaient, je me suis senti insignifiant et j’ai dit, « je ne connais rien ». Je reviens de ma rencontre avec lui comme un débutant ».
Abu ‘Imran al-Fasi l’a également mentionné en ces termes : « Il a été le maître des Sunnites de son époque et l’Imam des mutakallimun (Théologiens) des véridiques de son époque ».
Ibn ‘Ammar al-Mayurqi a dit : « Ibn at-Tayeb était un Malikite vertueux et scrupuleux, l’un de ceux pour lesquels absolument aucune erreur n’est enregistrée et aucune anomalie n’a été attribuée. Il était appelé « le Sheykh de la Sunnah et le Porte-parole de la Communauté ».
Puis il a ajouté : « Il était l’une des forces des Musulmans, et les gens d’innovations (ahlou l-bid’ah) n’ont jamais connu plus grande joie que celle qu’ils ont éprouvée au moment de sa mort ».
Al-Khatib a déclaré : « Il nous est rapporté que Ibn al-Mu’allim, le Sheykh et théologien des Chiites extrêmes, assistait à un débat avec ses compagnons lorsque Qadi Abu Bakr al-Ash’ari arriva. Ibn al-Mu’allim se tourna vers ses compagnons et dit : « Shaytan vient à vous. » Etant à quelque distance de là, le Qadi entendit les propos d’Ibn al-Mu’allim. Une fois assis, il se tourna vers d’Ibn al-Mu’allim et ses compagnons et leur dit : « Allâh Tout-Puissant dit : « Ne vois-tu pas que Nous avons envoyé les démons à l’encontre des mécréants afin des les exciter [à la transgression]? » [7]
Abu Abdullâh as-Sayrafi a dit : « La vertu du Qadi était plus grande que sa connaissance. Par la Grâce d’Allâh l’Unique, cette Communauté (Oumma) a pu bénéficier de ses livres et de leur propagation parmi elle ». Il a aussi dit : « Il avait pour habitude d’étudier la journée et la majeure partie de la nuit ». Il mentionna (également) un grand nombre de ses vertus.
Abu al-Walid al-Bajî rapporte que l’estime d’al-Dâraqutnî pour Ibn al-Bâqillânî fut à l’origine de l’adoption de l’école de Jurisprudence Malikite et de l’école de Doctrine Ash’arite par le Maître en hadith Abou Dharr al-Harawi. [8]
‘Ali ibn Muhammad al-Hana’i a dit : « Le Qadi Abu Bakr voulait résumer ce qu’il avait écrit, mais n’a pas été en mesure de le faire en raison de l’étendue de ses connaissances et de ce qu’il avait en mémoire. Personne n’a pu écrire sans avoir besoin de regarder les livres d’opposants, excepté Abu Bakr. Tout ce dont il se souvenait provenait de sa mémoire ».
Al-Mayurqi a dit : « J’ai compté les livres du Qadi et ce qu’il avait dicté, que j’ai ensuite divisé par le nombre de jours de sa vie, depuis sa naissance jusqu’à sa mort, et j’ai trouvé qu’il y avait une dizaine de pages par jour ».
Parmi ses ouvrages :
* Fadl al-Jihâd
* Hidâyat al-Mustarshidîn
* Al-Ibâna `an Ibtâl Madhhab Ahl al-Kufr wal-Dalâla (Démonstration de l’invalidité des thèses des mécréants et des égarés).
* I`jâz al-Qur’ân. Dans cet ouvrage, Ibn al-Bâqillânî contraste diverses oraisons du Prophète -, des Compagnons, et d’autres avec le style Coranique afin de démontrer l’inimitabilité du style Coranique. Il présente une critique détaillée de la Mu’allaqa de la Lâmiyya d’Umru ‘al-Qays et d’al-Bahtarî – tous deux considérés comme des chefs-d’œuvre littéraires — et pointe leurs défauts et faiblesses. Toutefois, il estime que l’inimitabilité ne dépend pas de la rhétorique, mais qu’elle est simplement renforcée par celle-ci. En cela, al-Baqillani s’affirme comme un adversaire de son prédécesseur, le grammairien et théologien mu‘tazilite ar-Rummani (mort en 384/994).
* Al-Insâf fîmâ Yajibu I`tiqâduhu walâ Yajûzu al-Jahlu bih. Dans ce livre Ibn al-Bâqillânî démontre entre autres que :
(1) Les Attributs Divins ne sont aucunement compris comme étant des organes (jawârih);
(2) Les Attributs Divins d’Essence (Sifât Dhat) n’ont pas de début ;
(3) Sa Parole est un Attribut d’Essence;
(4) L’acte créé de la récitation est différent du Qour’an incréé qui est récité;
* Al-Intisâr
* Al-Istishhâd
* Al-Kuffar wal-Muta’awwilîn wa-Hukm al-Dâr
* Manâqib al-A’imma
* Al-Taqrib wa al Irshad. L’Imam al Haramayn (d 478 AH) l’a résumé, dans un livre intitulé « al-Talkhis » (Le Récapitulatif) ou « al-Mulakhkhas » (Le résumé), dont certaines pages sont conservées dans des collections de manuscrits. Les savants ultérieurs de la jurisprudence ont transmis beaucoup des idées d’al-Bāqillānī à partir de ce travail.
* Al-Milal wal-Nihal
* Al-Tabyîn fî Adab al-Jidâl
* Al-Ta`dîl wal-Tajrîh
* Son œuvre la plus célèbre, Tamhîd al-Awâ’il fî Talkhîs al-Dalâ’il, dans laquelle il détaille les doctrines évoquées dans le Insâf et réfute les croyances non-islamiques, tels que le Trinitarisme et le Brahmanisme.
Son retour à Dieu :
L’Imam Al-Baqillani était profondément admiré par les Hanbalîs de Bagdad bien qu’il fut le chef de l’autorité de l’école Ash’ari de son époque. Quand Ibn al-Bâqillânî est mort, le Sheykh des Hanbalîs et ami de sept ans Abu al-Fadl al-Tamimi arriva pieds nus à ses funérailles avec les autres de son école et ordonna à un héraut d’ouvrir le cortège en criant: « C’est le sauveur de la Sunnah et de la religion! C’est l’Imam des Musulmans! C’est le défenseur de la Sharî’a! C’est celui qui est l’auteur de 70.000 folios! »
Il a été enterré près de la tombe d’Ahmad ibn Hanbal, et sa tombe est un lieu de visite, de recherche de bénédictions (Tabarruk).
Selon al-Khatib, le Qadi Abu Bakr est décédé le samedi 21 Dhul-Qa’da, 403.
Qu’Allâh lui fasse Miséricorde et lui accorde Ses meilleures rétributions le Jour du Jugement Dernier.
Notes :
[1] Tabaqât al-Shâfi’iyya al-Kubrâ (3:351).
[2] Cela est conforme à la position rapportée de l’Imam Malik selon laquelle le Créateur ne peut pas être vu par les créatures avec les yeux qui sont destinés à disparaître – ce qui est le cas, dans le monde – mais seulement avec les yeux destinés à l’éternité.
[3] Qour’an, S9 V32-33
[4] Ad-Dhahabî, Mukhtasar al-`Uluw (p. 258 §139).
[5] Shadharat, III, 169
[6] Muhammad ibn ‘Abd Allâh ibn Sâlih (287-375).
[7] Qour’an S19 V83
[8] Rapporté dans Firaq al-Fuqahâ’ d’Abû al-Walîd al-Bâjî’s et par ad-Dhahabî dans Tadhkirat al-Huffâz (3:1104-1105). Ibn ‘Asâkir rapporte quelque chose de similaire.